« Il [Jésus le Christ] est la pierre rejetée par les constructeurs – par vous – et qui est devenue la pierre principale, la pierre d’angle » (traduction Bible du Semeur) : c’est ainsi que dans le livre des Actes des Apôtres (au chapitre 4 verset 11), Luc reprend le 22e verset du Psaume 118. 

Cette reprise dans le Nouveau Testament est, pour sa portion en italique ci-haut, une allusion au Psaume 118.22 que l’on trouve dans l’Ancien Testament.  Ce n’est pas une citation explicite, puisque le passage n’est pas introduit avec une formule explicitant directement la source d’où est puisé le passage.  Il s’agit plutôt d’une reprise qui suppose une connaissance du Psaume 118 pour être vue/entendue, d’où le fait que nous parlons ici d’allusion (plutôt que de citation explicite).

 

C’est là l’une des très nombreuses reprises dans le Nouveau Testament de passage de l’Ancien Testament. Selon Roger Nicole :

« Dans le Nouveau Testament, il n’y a pas moins de 295 citations expresses de l’Ancien Testament qui occupent environ 352 versets du Nouveau et se rapportent à 278 versets de l’Ancien (certains d’entre eux à plusieurs reprises) : 94 tirés de la Torah, 99 des prophètes et 85 des Écrits, suivant la division classique du canon hébraïque. Si l’on inclut les allusions en plus des citations expresses, ces chiffres augmentent sensiblement : Toy énumère 613 exemples, Shire 1604, Dittmar 1640 et Huhn atteint le nombre extraordinaire de 4105, ce qui représente plus d’une réminiscence tous les deux versets! »[1].

Pour les uns, ce nombre considérable de reprises cohérentes qui s’étend sur des textes rédigés à des époques différentes et par des auteurs différents des livres constituant la Bible, est un témoignage supplémentaire (sans être une preuve formelle) d’émerveillement pour le Christ Jésus, vers lequel pointait l’Ancien Testament. D’ailleurs, certains se rappelleront que les premiers chrétiens proclamaient l’Évangile en faisant des prédications textuelles, avec les textes qui leur étaient disponibles à l’époque pour la prédication textuelle, c’est-à-dire ceux de l’Ancien Testament – et ce, tout en montrant l’orientation christotélique de ces livres – ajoutant ainsi un témoignage du plus en faveur des liens entre les deux Testaments. Mais d’autres cependant, sceptiques, se demanderont si ce n’est pas par exemple que des coïncidences dues au volume de mots que contiennent tous ces livres, ou encore si ces reprises sont véritablement cohérentes. Or, en examinant dans le détail comment les auteurs du Nouveau Testament eux-mêmes utilisent l’Ancien Testament, on peut voir qu’ils suivaient une même herméneutique biblique cohérente, n’ayant rien d’arbitraire et respectant le sens tout en tenant compte des contextes où ils puisent ces extraits, même si ce n’est pas toujours immédiatement visible au premier abord.

 

Pour l’illustrer, dans ce travail nous examinerons en détail l’une de ces reprises, soit la reprise du passage en Psaume 118.22, repris dans le passage en Actes 4.11. Et ce, en suivant pour méthode de travail une version un peu simplifiée de la méthode exposée par G.K. Beale dans son Handbook on the New Testament Use of the Old Testament[2]. Ainsi, nous examinerons le contexte dans lequel ce verset est repris, de même que le contexte d’origine de ce verset (ainsi que sa source), afin d’ensuite dégager la fonction de cette reprise du Psaume 118.22 en Actes 4.11, et l’usage théologique de cette reprise par Luc.

 


Note : cet article reprend un travail que nous avons réalisé à l’automne 2018 dans le cadre d’un cours d’Interprétation de l’Ancien Testament dans le Nouveau Testament, à la Faculté de Théologie Évangélique (à Montréal) affiliée à l’Université Acadia. Selon la formule habituelle, nous sommes évidemment responsables des erreurs ou omissions qui pourraient subsister dans ce texte.


Table des Matières

Identification de la forme de reprise en Actes 4.11 de Psaume 118.22

Le contexte littéraire d’Actes 4.11

Le contexte littéraire de Psaume 118.22

Comparaison entre le texte massorétique/hébreu et le texte de la Septante, d’où est tirée la citation de Psaume 118.22

La fonction de Psaume 118.22 en Actes 4.11 : le signalement d’un accomplissement typologique

A)    La typologie : présentation et présupposés

B)    La fonction de Psaume 118.22 en Actes 4.11 : souligner un accomplissement typologique

L’usage théologique du texte de Psaume 118.22 en Actes 4.11

Conclusion

Bibliographie


IDENTIFICATION DE LA FORME DE REPRISE EN ACTES 4.11 DE PSAUME 118.22

Au verset 11 du 4e chapitre du livre des Actes des Apôtres, Luc reprend le verset 22 du Psaume 118 ainsi : « Il [Jésus le Christ] est la pierre rejetée par les constructeurs – par vous – et qui est devenue la pierre principale, la pierre d’angle » (Semeur)[3].  Cette reprise est, pour sa portion en italique, une allusion au Psaume 118.22.  Ce n’est pas une citation explicite, dans la mesure où le passage n’est pas introduit avec une formule explicitant directement la source d’où est puisé le passage.  Il s’agit plutôt d’une reprise qui suppose une connaissance du Psaume 118 pour être vue/entendue, d’où le fait que nous parlons ici d’allusion (plutôt que de citation explicite).

 

LE CONTEXTE LITTÉRAIRE D’ACTES 4.11

Le livre des Actes des Apôtres a été rédigé (en grec ancien) par Luc et il constitue la suite de son Évangile[4], qu’il a rédigé après avoir enquêté auprès de témoins oculaires.  Par contraste avec l’apôtre Matthieu qui était un Juif lettré et dont la rédaction de son Évangile fait davantage ressortir l’accomplissement par Jésus Christ des prophéties de l’Ancien Testament, Luc était pour sa part un non-Juif s’adressant à des non-Juifs.  Médecin[5] de culture grecque, dans son Évangile Luc fait notamment ressortir, au travers du témoignage de diverses « guérisons », l’authentification de l’identité de Jésus en tant que Christ/Messie/Oint[6].  Et, bien que n’ayant pas lui-même connu Jésus, Luc a accompagné l’apôtre Paul lors de voyages missionnaires (Colossiens 4.14 ; 2 Timotée 4.11 ; Philémon 24), de même qu’il a fait partie de ses compagnons à Jérusalem vers l’an 58 et, après l’arrestation de Paul à Jérusalem, Luc l’a accompagné lors de son voyage de la prison de Césarée jusqu’à Rome vers l’an 59-60.[7]  Fort probablement que c’est pendant son séjour à Jérusalem que Luc a pu faire son enquête[8], qu’il évoque en introduction à son Évangile :

 

« Plusieurs personnes ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont passés parmi nous, d’après ce que nous ont transmis ceux qui en ont été les témoins oculaires depuis le début et qui sont devenus des serviteurs de la Parole de Dieu.

J’ai donc décidé à mon tour de m’informer soigneusement[9] sur tout ce qui est arrivé depuis le commencement, et de te l’exposer par écrit de manière suivie, très honorable Théophile ; ainsi, tu pourras reconnaître l’entière véracité des enseignements que tu as reçus. » (Luc 1.1-4)

 

Outre les points fondamentaux communs aux autres évangiles, dont le Salut par la seule Grâce et la nécessité de la mort et résurrection de Jésus-Christ à cette fin, dans son Évangile Luc met en relief l’intérêt de Jésus à l’égard de personnes à l’époque souvent laissées dans l’ombre (les femmes, les enfants, les pauvres et les « impurs »).  Par exemple, Luc est le seul à prendre le soin de noter dans son évangile « le rôle que certaines femmes jouent dans le soutien financier dont Jésus a bénéficié »[10], et dont ont bénéficié ses apôtres (Luc 8.2-3).  Non seulement dans l’Antiquité il était exceptionnel que des femmes accompagnent un enseignant itinérant (et ce, tout au cours du ministère de Jésus)[11], mais sans doute tout autant, sinon plus, qu’elles en soient un soutien financier.  Par ailleurs, Luc mentionne dans son Évangile l’interaction de Jésus avec dix femmes supplémentaires au nombre de celles qui sont aussi mentionnées dans les autres évangiles (par exemple, pour le passage où Jésus est accueilli seul dans la maison de Marthe avec sa sœur Marie, rapporté en Luc 10.38-42, et qui ne figure pas dans les autres évangiles[12]). « Une telle liberté avec les femmes, de la part de Jésus, ne pouvait que choquer les pharisiens de son temps pour lesquels la femme était source d’impureté (7.39) ».[13] De même, Luc fait ressortir dans son Évangile la considération de Jésus à l’égard de personnes jugées à l’époque « impures » ou peu recommandables (les pécheurs notoires, les collecteurs d’impôts, les bergers), ainsi que pour les enfants alors que ceux-ci n’étaient pas pleinement considérés comme des Hommes dans l’Antiquité. Déjà, cet accent pour les délaissés souligne que si nous sommes tous séparés de Dieu, la Grâce de Dieu qui advient avec la foi en Jésus-Christ est de l’ordre d’un amour inconditionnel et s’étend à toutes les personnes dont leur foi est placée en lui.  Mais cet accent attire aussi l’attention sur le fait qu’une telle Grâce dont la réponse est la foi en Jésus le Christ, peut être difficile à saisir pour qui cherche son salut par ses propres forces ou par son propre mérite – ce qui, il importe de le considérer, rendra difficile la reconnaissance de Jésus en tant que Christ[14] par les pharisiens, par les « religieux » de l’époque.

 

L’Évangile de Luc se termine avec la mort de Jésus et sa mise au tombeau (chapitre 23), suivi de sa résurrection, de son apparition aux deux disciples en route vers le village d’Emmaüs, puis de son apparition aux « Onze »[15] apôtres réunis à Jérusalem, et enfin de son élévation notée brièvement (chapitre 24).  Il vaut la joie de prendre ici le temps d’indiquer brièvement certains de ces éléments sur lesquels se termine l’Évangile de Luc, dans la mesure où ils permettent de mieux contextualiser le début des Actes des Apôtres – qui en est la suite – et le passage repris en Actes 4.11.  Au chapitre 24 de son Évangile, Luc relate la comparution de Jésus devant Pilate et Hérode.  La suite de cette comparution est bien connue :

 

« Pilate convoqua les chefs des prêtres, les dirigeants du peuple. Il leur dit : Vous m’avez amené cet homme en l’accusant d’égarer le peuple. Or, je l’ai interrogé moi-même devant vous, et je ne l’ai trouvé coupable d’aucun des crimes que vous l’accusez.  Hérode non plus, d’ailleurs, puisqu’il nous l’a renvoyé. Cet homme n’a rien fait qui mérite la mort.  Je vais donc lui faire donner le fouet et le relâcher.

[À chaque fête, Pilate devait leur accorder la libération d’un prisonnier.][16]

Mais la foule entière se mit à crier : À mort ! Relâche Barnabas !

Ce Barnabas avait été mis en prison pour une émeute qui avait eu lieu dans la ville et pour un meurtre.

Mais Pilate, qui désirait relâcher Jésus, adressa à nouveau la parole à la foule, qui se mit à crier :  Crucifie-le ! Crucifie-le !

Mais enfin, leur demanda-t-il pour la troisième fois, qu’a-t-il fait de mal? Je n’ai trouvé en lui aucune raison de le condamner à mort. Je vais donc lui faire donner le fouet puis le remettre en liberté.

Mais ils devinrent de plus en plus pressants et exigèrent à grands cris sa crucifixion. Finalement, leurs cris l’emportèrent. » (Luc 23.13-23)

 

Un élément à garder à l’esprit ici, pour le contexte en Actes 4.11, est l’implication des prêtres et de la foule dans la volonté de condamner Jésus à la mort. Qui plus est, à une mort qui se veut atroce, non seulement physiquement, mais aussi spirituellement puisque dans l’Antiquité la crucifixion était considérée comme une « pendaison » et que l’Ancien Testament associe la pendaison à une malédiction. Dans la suite de ce chapitre 23, Luc relate la mort de Jésus ponctuée d’humiliations faisant allusion au Psaume 22, suivie de sa mise au tombeau gérée avec respect par Joseph d’Arimathée (membre du Grand-Conseil Juif, en désaccord avec les autres membres de ce Grand-Conseil à l’égard de Jésus). Puis, au chapitre 24 de son Évangile, Luc relate la résurrection du Christ sur la base de son enquête (évoquée au début) auprès de témoins. Le premier élément lié à la résurrection du Christ que Luc relate a lieu le dimanche matin de Pâque(s)[17]lorsqu’un groupe de femmes voient le tombeau vide, puis reçoivent ces paroles par deux anges :

 

« […] Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? Il n’est plus ici, mais il est ressuscité. Rappelez-vous ce qu’il vous disait quand il était encore en Galilée : « Il faut que le Fils de l’homme soit livré entre les mains des pécheurs, qu’il soit crucifié, et qu’il ressuscite le troisième jour. » Elles se souvinrent alors des paroles de Jésus. » (Luc 24.5-8)

 

Puis, Marie de Magdala, Jeanne (la « femme de Chuza, administrateur d’Hérode »[18]) et Marie la mère de Jacques allèrent raconter cet épisode aux Onze et autres disciples, alors que quelques autres femmes de leur groupe (qui suivait Jésus et le supportait financièrement de son vivant) allèrent le raconter aux apôtres.  Cependant, probablement en partie à cause du caractère invraisemblable de ce qui était rapporté et probablement en partie étant donné le peu de crédibilité qui était accordé à l’époque au témoignage des femmes, « ceux-ci trouvèrent leurs propos absurdes et n’y ajoutèrent pas foi » (Luc 24.11). Et ce, même si Jésus leur avait préalablement annoncé de son vivant qu’il ressusciterait le troisième jours (Luc 9.22)[19].  Seul Pierre se rendit à la course au tombeau, pour constater, étonné, qu’il était vide (Luc 24.12).

 

La première apparition en tant que telle de Jésus ressuscité que Luc relate[20], a lieu le même dimanche de Pâque(s), alors que celui-ci apparait à deux disciples (Cléopas et une autre personne dont le nom n’est pas rapporté) qui sont en chemin vers le village d’Emmaüs.  Alors que ces deux disciples discutent des événements tout en marchant, Jésus les rejoint et les accompagna, mais sans que ceux-ci ne le reconnussent au départ (Luc 24.13-16). Cet événement relaté par Luc est fort intéressant, car il semble bien nous révéler une clé pour l’interprétation des Écritures. Lorsque Jésus les rejoint pour marcher avec eux, il s’informe de ce qu’ils discutent et ceux-ci (qui ne le reconnaissent pas) sont étonnés/attristés qu’il n’ait pas entendu parler des récents événements, qui leur semblent connus de tous.  Ils lui racontent ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth, en le présentant d’abord comme un prophète (et non le Christ, ce qui est conséquent avec le fait qu’ils n’ont pas encore compris la nécessité de sa mort suivie de sa résurrection – même s’ils ont entendu les propos, qu’ils qualifient d’étonnants, des femmes le matin). Puis, après que ceux-ci en aient fait le récit :

 

« Alors Jésus leur dit : Ah ! hommes sans intelligence ! Vous êtes bien lents à croire tout ce que les prophètes ont annoncé. Le Messie ne devait-il pas souffrir toutes ces choses avant d’entrer dans sa gloire ?

Alors, commençant par les livres de Moïse et parcourant tous ceux des prophètes, Jésus leur expliqua ce qui se rapportait à lui dans toutes les Écritures.

Entre-temps, ils arrivèrent près du village où ils se rendaient. Jésus sembla vouloir continuer sa route. Mais ils le retinrent avec une vive insistance en disant : Reste donc avec nous ; tu vois : le jour baisse et le soir approche.

Alors il entra dans la maison pour rester avec eux. Il se mit à table avec eux, prit le pain et, après avoir prononcé la prière de bénédiction, il le partagea et leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent… mais, déjà, il avait disparu. Et ils se dirent l’un l’autre : N’avons-nous pas senti comme un feu dans notre cœur pendant qu’il nous parlait en chemin et qu’il nous expliquait les Écritures ?

Ils se levèrent sur l’heure et retournèrent à Jérusalem.  Ils y trouvèrent les Onze réunis avec leurs compagnons.

Tous les accueillirent par ces paroles : Le Seigneur est réellement ressuscité, il s’est montré à Simon.

Alors les deux disciples racontèrent à leur tour ce qui était arrivé en chemin et comment ils avaient reconnu Jésus au moment où il avait partagé le pain. » (Luc 24.25-35)

 

Notons au passage que dans cet épisode, Luc présente trois « ouvertures » qui sont reliées, et qui livrent en quelque sorte un résumé d’herméneutique biblique.[21] Au départ, les deux disciples n’avaient pas bien saisi que l’Ancien Testament a une orientation christotélique – qu’il pointe vers Christ.  Ils ne l’avaient pas saisi, en même temps que les indices de ce type de lectures se trouvent objectivement dans l’Ancien Testament lui-même, sans quoi il aurait été injuste que Jésus leur dise « Ah ! hommes sans intelligence ! Vous êtes bien lents à croire tout ce que les prophètes ont annoncé. Le Messie ne devait-il pas[22] souffrir toutes ces choses avant d’entrer dans sa gloire ? » (Luc 24.25-26). C’est là l’essence du concept de mystère chez l’apôtre Paul : il y avait des indices objectifs dans l’Ancien Testament pointant vers Christ, vers une lecture christotélique de l’Ancien Testament, mais bien que ces indices sont objectivement là, personne ne les a véritablement vus et compris avant la mort/résurrection du Christ – il fallait en quelque sorte la résurrection pour que ce soit compris, pour que la « visibilité » de ces indices ressortent avec relief, même si c’était déjà là avant. Donc, au départ les deux disciples, comme leurs compatriotes, n’ont pas encore compris. Puis survient une première ouverture au verset 31 : « Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent… mais, déjà, il avait disparu » (Luc 24.31). Leurs yeux s’ouvrent, c’est-à-dire qu’ils « voient » alors l’identité de Jésus, ils le voient et le reconnaissent alors comme Seigneur et Messie/Christ/Oint. En découle une seconde ouverture : c’est l’ouverture des Écritures ; qu’ils saisissent alors, au verset 32 : « Et ils se dirent l’un à l’autre : N’avons-nous pas senti comme un feu dans notre cœur pendant qu’il nous parlait en chemin et qu’il nous expliquait les Écritures ? (Luc 24.32 ; « expliquait les Écritures » : en grec « expliquait » et « ouvrait », c’est le même mot). L’explication par Jésus de l’Ancien Testament, que les disciples connaissaient pourtant, a eu lieu un peu plus tôt sur la route. Mais ce n’est qu’après que leurs « yeux » se soient ouverts, qu’ils commencent à saisir. Et c’est alors une troisième ouverture intimement liée aux deux premières qui s’enclenche : s’ouvre l’intelligence – le renouvellement de l’intelligence – des disciples pour comprendre le sens des Écritures, c’est-à-dire dans leur cas de l’Ancien Testament.[23]  Nous y reviendrons plus loin, lors de l’interprétation typologique de la reprise de Psaume 118.22 en Actes 4.11.

 

Après cet épisode à la suite duquel les deux disciples sur le chemin d’Emmaüs ont rejoint (à Jérusalem) les Onze qui les accueillent en leur disant que Jésus est apparu à Pierre, Luc fait le récit d’une nouvelle apparition de Jésus. Pendant qu’ils sont tous réunis, Jésus se trouve tout d’un coup au milieu d’eux. Luc relate alors leur saisissement « de crainte et d’effroi, croyant voir un esprit » (Luc 24.37), et l’invitation de Jésus à le regarder et le toucher pour les rassurer, puisque, leur dit-il, « un esprit n’a ni chair ni os. Or, vous voyez bien que j’en ai. » (Luc 24.39). Jésus mange ensuite du poisson grillé, après qu’il leur ait demandé s’ils avaient à manger, et leur rappelle ce qu’il leur avait dit à propos de l’accomplissement des Écritures. Comme pour les deux disciples sur le chemin d’Emmaüs, ceux-ci n’avaient cependant pas compris. Et comme pour les deux disciples sur le chemin d’Emmaüs, mais cette fois pour tout un groupe d’apôtres et de disciples, Luc relate que « Là-dessus, il [Jésus] leur ouvrit l’intelligence pour qu’ils comprennent les Écritures » (Luc 24.45). Plus tard[24], Jésus les conduit à environ un kilomètre de Jérusalem, aux environs de Béthanie (au mont des Oliviers), les bénit et fut enlevé/élevé au ciel. Ainsi se termine l’Évangile de Luc, avec les éléments en place qui permettent de saisir que doit s’en suivre l’annonce de la Bonne Nouvelle à Jérusalem, puis à tous les peuples.

 

Écrit probablement vers les années 62-64[25] (sinon au plus tard en 70-80), les Actes des Apôtres constituent la suite de ce livre, comme Luc l’indique en introduction aux Actes :

 

« Cher Théophile,

Dans mon premier livre, j’ai exposé tout ce que Jésus a commencé de faire et d’enseigner jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel après avoir donné, par le Saint-Esprit, ses instructions à ceux qu’il s’était choisis comme apôtre.

Après sa mort, il se présenta à eux vivant et leur donna des preuves nombreuses de sa résurrection.  Il leur apparut pendant quarante jours et leur parla du royaume de Dieu. » (Actes 1.1-3)[26]

 

Le livre des Actes des apôtres est construit en suivant deux récits qui ont leurs parallèles : celle de l’apôtre Pierre (des chapitres 1 à 12) passant par l’annonce de la Bonne Nouvelle d’abord auprès des Juifs, puis des non-Juifs, des Samaritains aux païens, et jusqu’à ce que Pierre se « rendit ailleurs »[27] ; et celle de l’apôtre Saul/Paul de Tarse[28] (des chapitres 13 à 28) d’Asie Mineure, en passant par Jérusalem, la Macédoine, la Grèce et Éphèse, jusqu’à la capitale du monde païen, Rome, où il « se » rendit porter la Bonne Nouvelle. Dans ces deux cas, ou en quelque sorte dans ces deux cycles parallèles, est suivi avec Pierre comme avec Saul/Paul une perspective annoncée par Jésus, le dimanche de sa résurrection, qu’avec la puissance du Saint-Esprit qui sera envoyé à ses disciples/apôtres, ils deviendront ses « témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’au bout du monde » (Actes 1.8).

 

Après l’introduction citée plus haut, dans les Actes des apôtres Luc reprend le récit avec l’ascension de Jésus sur laquelle son Évangile se terminait, mais en développant cet épisode plus en détail.  Alors que Jésus ressuscité est apparu aux apôtres et nombreux disciples et qu’il les a amenés au mont des Oliviers, avant son élévation il leur annonce que « le Saint-Esprit descendra sur vous : vous recevrez sa puissance et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’au bout du monde » (Actes 1.8). Mais il leur recommande aussi de ne pas quitter Jérusalem jusqu’à ce que son Père leur ait envoyé le Saint-Esprit. C’est vraisemblablement à ces mêmes successions d’apparitions de Jésus Christ ressuscité que fait référence Paul dans sa lettre écrite (vers 54 ou 55) aux Corinthiens, alors qu’il était à Éphèse, lorsqu’il note que

 

« [Jésus le Christ] est apparu à Pierre, puis aux Douze. Après cela, il a été vu par plus de cinq cents frères à la fois, dont la plupart vivent encore aujourd’hui – quelques-uns d’entre eux seulement sont morts. Ensuite, il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. En tout dernier lieu, il m’est apparu à moi, comme à un enfant né après terme. » (1Corinthiens 15.5-8).

 

Les apôtres sont alors en quelque sorte placés en attente du Saint-Esprit – et de l’attente du déploiement de l’annonce de la Bonne Nouvelle. Toujours au 1er chapitre des Actes des apôtres, Luc relate le choix d’un douzième apôtre – parmi une communauté réunie où ils « étaient là environ cent vingt » (Actes 1.15) – pour remplacer Judas Iscariot, qui est mort (Actes 1.15-26). Puis, au début du chapitre 2, Luc relate le don de l’Esprit qui survient le jour de la Pentecôte. Considérant que la Pentecôte avait lieu cinquante jours après la Pâque Juive, et considérant que dans son introduction Luc stipule qu’après sa mort/crucifixion/résurrection Jésus apparut vivant aux apôtres « pendant quarante jours et leur parla du royaume de Dieu. » (Actes 1.3), cela laisse présumer que le temps d’attente depuis la première apparition de Jésus relatée par Luc fut tout de même bien occupé.  Que s’est-il passé pendant ces quarante jours où Luc rapporte que Jésus le Christ s’est présenté ressuscité/vivant (en chair et en os)[29] et « leur parla du royaume de Dieu » ?  Le livre des Actes ne le précise pas – mis à part que Luc mentionne qu’il « leur parla du royaume de Dieu » – mais on peut présumer qu’ils furent enseignés par le Ressuscité pendant ces quarante jours, puisqu’à chaque « venue » du Christ ressuscité que Luc rapporte, c’est ce qu’il fait (Luc 24.27 ; Luc 24.45-48). À tout le moins, on peut constater que par la suite les apôtres partagent une même herméneutique biblique, que l’on peut voir au travers de l’interprétation christotélique de l’Ancien Testament que font tous les auteurs des divers livres du Nouveau Testament.

 

Au début du chapitre 2, Luc fait donc le récit du don de l’Esprit aux apôtres le jour de la Pentecôte – don aux apôtres dont sont témoins des gens venus à Jérusalem d’un peu partout dans le monde pour la fête de la Pentecôte. Cette venue du Saint-Esprit sur les apôtres à la Pentecôte, telle qu’elle est relatée par Luc, n’est pas sans faire penser au récit de la tour de Babel, mais cette fois dans une perspective inversée.  Alors que le récit de la tour de Babel présente la multiplication des langues comme une malédiction pour brouiller la communication des Hommes dans leur projet de s’autoglorifier, le récit du don de l’Esprit à la Pentecôte apparait comme une communication renouée sans que l’universalité enlève pour autant la diversité des langues. Luc présente le récit de l’événement de ce jour-là comme suit :

 

« Aussitôt, ils [les apôtres] furent tous remplis du Saint-Esprit et commencèrent à parler dans différentes langues, chacun s’exprimant comme le Saint-Esprit lui donnait de le faire.

Or, à ce moment-là, des Juifs pieux, venus de chez tous les peuples du monde, séjournaient à Jérusalem. En entendant ce bruit, ils accoururent en foule et furent saisis de stupeur. En effet, chacun d’eux les entendait parler dans sa propre langue. Dans leur étonnement, ils n’en croyaient pas leurs oreilles et disaient : Voyons ! Ces gens qui parlent, ne viennent-ils pas tous de Galilée ? Comment se fait-il donc que nous les entendions s’exprimer chacun dans notre langue maternelle ? Nous sommes Parthes, Mèdes ou Élamites, nous habitons la Mésopotamie, la Judée, la Cappadoce, le Pont ou la province d’Asie, la Phrygie ou la Pamphylie, l’Égypte ou le territoire de la Libye près de Cyrène, ou bien, nous vivons à Rome, nous sommes juifs de naissance ou par conversion, nous venons de la Crète ou de l’Arabie, et pourtant chacun de nous les entend parler dans sa propre langue des choses merveilleuses que Dieu a accomplies ! » (Actes 2.4-11).

 

Face à l’étonnement et la perplexité des uns, et l’envie des autres de tenter de tourner ça en ridicule s’en suit une prise de parole devant la foule par l’apôtre Pierre entouré des Onze, qui constitue une longue prédication que rapporte Luc (Actes 2.14-40).  Pierre indique qu’il y a là la réalisation de ce qu’avait annoncé le prophète Joël (mais aussi Ésaïe 32.15, Ézéchiel 36.27 et Nombre 11.29, notamment). Puis, parlant de Jésus avec qui « Dieu a brisé les liens de la mort […] » (Actes 2.24) et soulignant que ce qui est arrivé était dans les Plans de Dieu, Pierre cite explicitement David à deux reprises en plus d’une allusion faisant entre autres ressortir que David « a entrevu par avance la résurrection du Messie, et [que] c’est d’elle qu’il parle en disant que Dieu ne l’abandonnera pas dans le séjour des morts et qu’il ne laissera pas son corps se décomposer » (Actes 2.31). Au terme de ce discours de Pierre tout imprégné de références à l’Ancien Testament, exhortant les gens présents à recevoir le Salut et soulignant que « Dieu a fait Seigneur et Messie ce Jésus que vous avez crucifié » (Actes 2.36), Luc note que « Ceux qui acceptèrent les paroles de Pierre se firent baptiser et, ce jour-là, environ trois mille personnes furent ajoutées au nombre des croyants. » (Actes 2.41).[30]

 

Au chapitre 3 des Actes des apôtres, Luc procède à l’exposé de la guérison d’un paralysé par Pierre et Jean au nom de Jésus-Christ (Actes 3.1-11). Comme cette guérison miraculeuse[31] eu lieu en public à l’entrée du Temple devant plusieurs témoins, et que l’homme paralysé l’était depuis la naissance et que c’était bien connu des gens présents, le peuple se rassembla pour constater stupéfait. Selon ce qui est rapporté par Luc, face au rassemblement des gens stupéfaits, Pierre s’adressa à la foule pour expliquer que ce miracle n’était pas d’eux – ni de leur propre pouvoir ni de leur propre piété –, ce qui est d’ailleurs conséquent puisque Jésus lui-même ne s’attribuait pas le pouvoir des miracles qu’il accomplissait, mais les attribuait à son Père. Aussi, s’adressant aux gens qui viennent d’être témoins de ce miracle, Pierre déclare que

 

« c’est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de nos ancêtres, qui vient ici de manifester la gloire de son serviteur Jésus – ce Jésus que vous avez livré à Pilate et renié devant lui alors qu’il était décidé de le remettre en liberté. Oui, vous avez renié celui qui est saint et juste. À sa place, vous avez demandé comme faveur la libération d’un meurtrier. Ainsi vous avez fait mourir l’auteur de la vie. Mais Dieu l’a ressuscité : nous en sommes témoins. » (Actes 3.13-16)

 

Remarquons ici en passant un élément important : Pierre semble alors avoir saisi le mystère de la Trinité ! Ce n’est pas en évoquant l’Éternel, mais bien en prenant autorité au nom de Jésus-Christ qu’il commande au paralysé de se lever – et que le miracle s’accomplit. Mais dans son explication, ce n’est pas à Jésus-Christ qu’il attribue le miracle, mais bien à l’Éternel, « le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ». Mais par la suite, en parlant de la crucifixion de Jésus, il dit bien qu’ils ont « fait mourir l’auteur de la vie ». Or, qui peut être l’auteur de la vie, sinon l’Éternel Dieu lui-même. Pierre se trouve donc à affirmer que Jésus-Christ est Dieu – qu’il était pleinement Homme, mais aussi pleinement Dieu. Mais en même temps, Jésus ne se ressuscite pas « lui-même », Pierre dit bien que c’est Dieu qui le ressuscite – tout en étant lui-même Dieu s’il est l’auteur de la vie. Dans l’Ancien Testament (comme dans le Nouveau), il y a l’affirmation qu’il n’y a qu’un seul vrai Dieu. Cela dit, l’Ancien Testament laissait aussi entrevoir qu’il pouvait y avoir au moins une « dualité », puisque Dieu pouvait aussi être la Parole/Esprit ; ici Pierre semble saisir qu’il y a en fait une « Trinité » tout en restant à l’intérieur d’un Monothéisme : Dieu/Père, Saint-Esprit et incarnation en Jésus le Christ[32] ; les « trois » étant en même temps « un ». Nous y reviendrons plus loin dans la section d’interprétation.

 

Selon le récit des Actes des apôtres, Pierre s’adresse donc ainsi aux gens réunis pour rendre compte du miracle. Et il poursuit son discours en indiquant des liens avec ce que Moïse avait dit[33], de même qu’en mentionnant que « Tous les prophètes qui ont parlé, depuis Samuel et ses successeurs, ont annoncé aussi d’avance les temps que nous vivons aujourd’hui » (Actes 3.24). Luc rapporte ensuite que pendant que Pierre et Jean « parlaient ainsi à la foule, survinrent quelques prêtres accompagnés du chef de la police du Temple et des membres du parti des sadducéens » (Actes 4.1). Pierre et Jean sont alors arrêtés et mis en prison jusqu’au lendemain, afin de comparaitre devant le Grand-Conseil (le Sanhédrin). Selon ce que note Luc dans son récit, malgré que cet épisode se solde par l’arrestation de Pierre et de Jean, « parmi ceux qui avaient entendu leurs paroles, beaucoup crurent, ce qui porta le nombre des croyants à près de cinq mille hommes » (Actes 4.4).

 

On arrive enfin au contexte plus immédiat où en Actes 4.11 est repris le passage du Psaume 118.22, lorsque Pierre et Jean affirment que Jésus « est la pierre rejetée par les constructeurs – par vous – et qui est devenue la pierre principale, la pierre d’angle » (Actes 4.11). Reprenons. Pierre et Jean ont été mis en prison pour la nuit, afin de les faire comparaitre devant le Grand-Conseil (le Sanhédrin). Le lendemain, selon le récit de Luc :

 

« les chefs des Juifs, les responsables du peuple et les spécialistes de la Loi[34] se réunirent à Jérusalem. Il y avait là, en particulier, Hanne le grand-prêtre, Caïphe, Jean, Alexandre et tous les membres de la famille du grand-prêtre. Ils firent comparaître Pierre et Jean, les placèrent au milieu de leur assemblée et les interrogèrent : Par quel pouvoir ou au nom de qui avez-vous fait cela ? »

(Actes 4.5-7)

 

S’en suit la réponse de Pierre, où se trouve la reprise du Psaume 118.22. Citons ce passage entier, pour avoir le contexte immédiat de l’insertion de cette allusion au Psaume :

« (8) Alors Pierre, rempli de l’Esprit Saint, leur répondit :

Dirigeants et responsables de notre peuple ! (9) Nous sommes aujourd’hui interrogés sur le bien que nous avons fait à un infirme et sur la manière dont il a été guéri. (10) Eh bien, sachez-le tous, et que tout le peuple d’Israël le sache : c’est au nom de Jésus-Christ de Nazareth que nous avons agi, de ce Jésus que vous avez crucifié et que Dieu a ressuscité ; c’est grâce à lui que cet homme se tient là, debout, devant vous, en bonne santé. (11) Il est la pierre rejetée par les constructeurs – par vous – et qui est devenue la pierre principale, la pierre d’angle. (12) C’est en lui seul que se trouve le salut. Dans le monde entier, Dieu n’a jamais donné le nom d’aucun autre homme par lequel nous devions être sauvés.

(13) Les membres du Grand-Conseil étaient étonnés de voir l’assurance de Pierre et de Jean, car ils se rendaient compte que c’étaient des gens simples et sans instruction ; ils les reconnaissaient pour avoir été avec Jésus. (14) Mais, comme ils voyaient, debout à côté d’eux, l’homme qui avait été guéri, ils ne trouvaient rien à répondre.

(15) Alors ils leur ordonnèrent de sortir de la salle et délibérèrent entre eux : (16) Qu’allons-nous faire de ces gens-là ? disaient-ils. Car ils ont accompli un signe miraculeux évident et tous les habitants de Jérusalem sont au courant. Nous ne pouvons pas le nier. (17) Mais il ne faut pas que cela s’ébruite davantage parmi le peuple. Défendons-leur donc, sous peine de sanctions, de parler désormais à qui que ce soit au nom de Jésus.

(18) Là-dessus, ils les firent rappeler et leur interdirent formellement de parler ou d’enseigner au nom de Jésus.

(19) Mais Pierre et Jean leur répondirent : Jugez-en vous-mêmes : est-il juste devant Dieu de vous obéir, plutôt qu’à Dieu ? (20) Quant à nous, nous ne pouvons pas garder le silence sur ce que nous avons vu et entendu.

(21) Après leur avoir fait de nouvelles menaces, ils les relâchèrent. En effet, ils n’avaient pas trouvé de moyen de les punir, parce que tout le peuple louait Dieu pour ce qui venait d’arriver. (22) L’homme qui avait été miraculeusement guéri était âgé de plus de quarante ans. »

(Actes 4.8-22 ; traduction Bible du Semeur)

 

Si nous résumons le contexte littéraire dans lequel apparait cette reprise (sous forme d’allusion à Psaume 118.22 en Actes 4.11), relevons d’abord que la formulation de cette reprise se situe dans le contexte plus large d’une période charnière. Suite à la mort et résurrection de Jésus le Christ, les disciples commencent à saisir le sens de ce qui est advenu. Jusqu’alors et du vivant de Jésus, il ne l’avait pas vraiment saisi – ou à tout le moins pas pleinement[35]. À partir des apparitions auprès d’eux du Christ ressuscité, un renouvellement de leur intelligence semble s’opérer – suivant le modèle mentionné avec l’apparition aux disciples sur le chemin d’Emmaüs – et une lecture christotélique de l’Ancien Testament semble dès lors les imbiber. Dans cette période charnière, la venue du Saint-Esprit le jour de la Pentecôte représente un point de bascule pour eux, à partir duquel ils professent avec assurance la Bonne Nouvelle tout en enseignant que l’Ancien Testament annonçait Jésus-Christ. Et puis, parmi les très nombreuses reprises de l’Ancien Testament que l’on trouve chez les auteurs du Nouveau Testament[36], dans le contexte précis d’Acte 4.11, nous voyons une allusion fondamentale où la référence à l’Ancien Testament ne marque pas seulement (comme dans d’autres cas) l’annonce du Messie qui allait venir, mais marque fortement l’accomplissement de l’annonce faite dans l’Ancien Testament de la fin d’un temps avec la venue d’une ère nouvelle, d’un temps nouveau – le passage d’un « avant » à un « après ».

 

Enfin, notons que cette reprise du Psaume 118 par Pierre a auparavant été faite par Jésus lui-même au cours de son ministère. On la trouve mentionnée sous la plume de Luc dans son Évangile – dont le livre des Actes des apôtres constitue la suite – en Luc 20.17 :

 

« (9) Il s’adressa ensuite au peuple et se mit à raconter cette parabole : Un homme planta une vigne ; il la loua à des vignerons et partit en voyage pour un temps assez long. (10) Au moment des vendanges, il envoya un serviteur auprès des vignerons afin qu’ils lui remettent une partie du produit de la vigne, mais les vignerons le rouèrent de coups et le renvoyèrent les mains vides. (11) Le propriétaire leur envoya un autre serviteur. Celui-là aussi, ils le renvoyèrent les mains vides, après l’avoir roué de coups et couvert d’insultes. (12) Le maître persévéra et leur en envoya un troisième. Celui-là aussi, ils le chassèrent, après l’avoir grièvement blessé.

(13) Le propriétaire du vignoble se dit alors : « Que faire ? Je leur enverrai mon fils bien-aimé ; peut-être auront-ils du respect pour lui. »

(14) Mais quand les vignerons l’aperçurent, ils raisonnèrent ainsi entre eux : « Voilà l’héritier ! Tuons-le, afin que l’héritage nous revienne ! »

(15) Alors ils le traînèrent hors du vignoble et le tuèrent.

Comment le propriétaire de la vigne agira-t-il envers eux ? (16) Il viendra lui-même, fera exécuter ces vignerons et confiera le soin de sa vigne à d’autres.

– Pas question ! s’écrièrent les auditeurs de Jésus en entendant cela.

(17) Mais lui, fixant le regard sur eux, leur dit : Que signifie donc ce texte de l’Écriture :

La pierre que les constructeurs | ont rejetée

est devenue la pierre principale, | la pierre d’angle.

(18Celui qui tombera sur cette pierre-là | se brisera la nuque,

et si elle tombe sur quelqu’un, | elle l’écrasera.[37]

(19) Les spécialistes de la Loi et les chefs des prêtres cherchèrent à mettre immédiatement la main sur Jésus, mais ils eurent peur des réactions du peuple. En effet, ils avaient bien compris que c’était eux que Jésus visait par cette parabole. »

(Luc 20.9-19 ; traduction Bible du Semeur)

 

Notons que dans les versets 17 et 18 ci-haut, Jésus combine deux allusions : le verset 17 est une allusion au Psaume 118.22, et le verset 18 est une allusion aux paroles du prophète Ésaïe que l’on trouve en Ésaïe 8.14-15. Dans le contexte, Jésus a pleuré sur la Jérusalem parce que la Jérusalem n’a « pas su reconnaitre le moment où Dieu est intervenu pour [elle] »[38] (Luc 19.41-44) ; il a chassé les marchands du Temple[39] et, un jour où il enseignait au peuple et annonçait la Bonne Nouvelle il est interpellé par les chefs des prêtres et les spécialistes de la Loi[40] (ainsi que les responsables du peuple) qui lui demandent de quelle autorité il agit de la sorte (Luc 20.1-8); et, après avoir « répondu » par une question – laissant entendre qu’il tenait son autorité de Dieu –, c’est alors qu’il s’adresse au peuple dans les termes cités plus haut (Luc 20.9-19). Donc, là aussi dans un contexte de tension avec les autorités « religieuses » en place – comme pour Pierre et Jean dans le passage des Actes des Apôtres cité précédemment (Actes 4.8-22).

 

Nous reviendrons sur ces divers éléments du contexte littéraire dans la section d’interprétation typologique de l’allusion en Actes 4.11, mais avant examinons le contexte propre au Psaume 118 d’où est puisée cette reprise.

 

LE CONTEXTE LITTÉRAIRE DE PSAUME 118.22

Si nous examinons maintenant le Psaume 118 d’où est tirée la reprise textuelle en Acte 4.11, nous constatons d’abord qu’il s’agit d’un « psaume de reconnaissance » envers l’Éternel (pour sa délivrance) qui s’insère dans les psaumes royaux.  Le livre des Psaumes (rédigé en hébreu), tout en ayant son unité, est composé de cent-cinquante[41] textes de divers styles[42] poétiques écrits sur plusieurs siècles par divers auteurs.  Ainsi,

« Le plus ancien psaume est attribué à Moïse ([Psaume] 90), les plus récents datent de la période postexélitique (après 538 av. J.-C.), ce qui veut dire que les psaumes ont été composés sur une période d’un millénaire. »[43]

Ces collections de textes, sous forme de poésie, étaient chantées[44] à l’intérieur des cultes israélites, d’où le fait qu’ils sont parfois précédés d’indications pour le maître de chant. En hébreu, le titre du livre des Psaumes signifie d’ailleurs « Louanges » ; le titre de notre traduction française venant du titre Psalmoï de la traduction en grec ancien de ce livre en hébreu.

 

Si soixante-treize[45] des cent-quinze psaumes sont attribués à David (ou en lien avec David)[46], le Psaume 118 quant à lui n’a pas de nom d’auteur explicitement mentionné en titre, mais il est considéré comme un « psaume royal ». Il date du retour de l’exil et il fait partie d’une série de psaumes allant du Psaume 113 au Psaume 118 que l’on nomme le « Hallel »[47]. Le « Hallel » est un « chant de louange » (marqué par les alléluias, d’où le terme « Hallel ») entonné lors de grandes fêtes juives, et en particulier lors de la Pâque juive[48] – ce qui, déjà, donne une bonne indication de son importance pour le peuple d’Israël.

 

Dans le contexte, le « Hallel » – que le Psaume 118 clos – a été composé pour glorifier l’Éternel Dieu et lui exprimer reconnaissance pour la sortie de l’esclavage, la fin de l’exil en Égypte et la (re)construction du second Temple de Jérusalem. Rappelons qu’avec l’alliance au mont Sinaï[49], l’expérience du tabernacle amenait une expérience de Dieu parmi le peuple. Bien que ce n’était pas une expérience illimitée de la présence de Dieu – puisqu’afin d’y entrer, il fallait passer par l’autel qui exige purification et expiation, et dont il fallait s’approcher selon les propres consignes données –, en un sens c’était tout de même une avancée par rapport aux Patriarches. Le premier Temple construit à Jérusalem avec Salomon reprenait le modèle du tabernacle, tout en marquant une avancée. Ainsi, Jérusalem « fut incluse dans la doctrine de l’Élection : de même que Dieu avait choisi David, il avait aussi choisi Sion (Ps 132.11-14; 2 S 7.12-17 »[50]. Le Temple marquait une présence de Dieu, dont la volonté ne s’adressait pas qu’au peuple d’Israël, mais concernait aussi la destinée des nations. Considérée comme un don advenant de la Grâce de Dieu, sa présence au Temple doit cependant être nuancée :

 

« On ne pensait pas que Dieu était lié à sa demeure terrestre. Le Temple et la présence de Dieu en son sein ne pouvaient être considérés ni comme acquis, ni comme garantie (Jr 7). Tout comme il avait choisi d’y demeurer (1 R 8.27-30), Dieu pouvait aussi quitter son Temple si le peuple lui était désobéissant. »[51]

 

Cela étant dit tout en considérant la nuance, étant donné le caractère particulier que revêtait le Temple de Jérusalem avec Dieu trônant à Sion :

 

« On peut donc comprendre la détresse et la perte que ressentit le peuple suite à la destruction du Temple, en 587 av. J.-C. Cela ne signifiait rien de moins que la perte de la présence de Dieu (Ez 9.3; 10.4-5; 11.23). Plus pénible que tout fut l’expérience des Juifs qui durent quitter leur terre pour être exilés à Babylone (Ps 137.4-6). Mais Dieu entendit leur détresse. Il leur promit d’être, pour eux, un « sanctuaire » (Ez 11.16); ils découvrirent qu’ils pouvaient faire l’expérience de la présence divine là où ils n’auraient pas cru que cela fut possible (Ps 139.7-12). Ils allaient retourner dans leur patrie et repartir à zéro (Jr 31.31-34; Ez 20.40-42; 34.1-16). »[52]

 

Délivré de leur esclavage et de retour d’exil, l’espérance de bâtir un nouveau Temple était chère aux Israélites. Tel qu’on le voit chez le prophète Ésaïe, en concevant le nouveau Temple, « il s’agit du lieu de rassemblement non seulement des exilés, mais aussi des nations, « Maison de prière pour tous les peuples » (És 56.7; cf. 60.4-7; 66.18-21) »[53]. On espère un nouveau Temple à Jérusalem, construit au même endroit que le premier, mais le dépassant en magnificence et prenant davantage la dimension d’un Temple céleste. La construction du nouveau Temple fut toutefois une longue aventure, s’étalant sur des décennies (quarante-six ans, selon Jean 2.20). C’est dans le livre d’Esdras, aux chapitres 3 à 6, que l’on peut lire le récit de la construction tumultueuse du second Temple de Jérusalem et de son inauguration – événement auquel fait référence le « Hallel » (Psaume 113 à 118). S’étant chargés de faire acheminer les matériaux, dont du bois de cèdre depuis le Liban (Esdras 3.7), dans la seconde année du retour d’exil les travaux purent commencer et on fit alors venir les dignitaires. À ce moment-là :

 

« (10) Lorsque les ouvriers posèrent les fondations du temple de l’Éternel, on mit en place les sacrificateurs en costume, avec les trompettes, et les Lévites, fils d’Asaph, avec les cymbales, afin de louer l’Éternel, d’après les indications de David, roi d’Israël. (11) Ils faisaient les réponses en louant et célébrant l’Éternel (par ces paroles) :

« Car il est bon, car sa bienveillance pour Israël dure à toujours ! »

Et tout le peuple fit retentir une grande clameur, en louant l’Éternel, parce qu’on posait les fondations de la maison de l’Éternel. (12) Mais beaucoup parmi les sacrificateurs, les Lévites et les chefs de famille âgés, qui avaient vu la première maison, pleuraient à grand bruit pendant qu’on posait sous leurs yeux les fondations de cette maison. Beaucoup d’autres poussaient à haute voix une clameur de joie, (13) en sorte que le peuple ne pouvait distinguer le bruit de la clameur de joie d’avec le bruit des pleurs, car le peuple faisait retentir une grande clameur dont le bruit s’entendait de très loin. »

(Esdras 3.10-13 ; traduction à la Colombe)

 

C’est finalement en 516 avant l’ère chrétienne que fut inauguré le second Temple à Jérusalem. Surpassant en magnificence spirituelle le premier Temple (construit sous Salomon), comme on le voit dans le passage ci-haut le second Temple[54] engendra néanmoins des pleurs et déceptions (et peut-être de la nostalgie) au moment où furent posées ses fondations, les « anciens » y voyant des matériaux leur semblant moins nobles qu’avec le premier Temple.

 

Ces éléments contextuels aident à mieux saisir les références que l’on trouve dans le chant de louange du « Hallel », que clôt le Psaume 118. Regardons maintenant la composition de ce chant de reconnaissance s’étendant du Psaume 113 au Psaume 118. Le « Hallel » s’ouvre avec le Psaume 113 qui se lit comme suit :

« (1) Louez l’Éternel !

Serviteurs de l’Éternel, louez,

Louez le nom de l’Éternel !

(2) Que le nom de l’Éternel soit béni,

Dès maintenant et à toujours !

(3) Du lever du soleil jusqu’à son couchant[55],

Que le nom de l’Éternel soit loué !

(4) L’Éternel est élevé au-dessus de toutes les nations,

Sa gloire est au-dessus des cieux.

(5) Qui est semblable à l’Éternel, notre Dieu ?

Il s’élève très haut pour siéger;

(6) Il s’abaisse pour regarder

Les cieux et la terre.

(7) De la poussière il redresse le faible,

Du fumier il relève le pauvre,

(8) Pour les faire siéger avec les notables,

Avec les notables de son peuple.

(9) Il fait habiter dans une maison celle qui était stérile,

(Comme) une mère joyeuse au milieu de ses fils.

Louez l’Éternel ! »

(Psaume 113 ; traduction à la Colombe)

 

Débutant avec une louange à l’Éternel, ce Psaume 113 se termine avec une promesse de fécondité qui fait référence au prophète Ésaïe annonçant la gloire à venir de Jérusalem, en Ésaïe 54.1-3 :

 

« (1) Triomphe, stérile,

Toi qui n’as pas enfanté !

Éclate en cris de triomphe et jubile,

Toi qui n’as pas connu les douleurs !

Car les fils de la délaissée seront plus nombreux

Que les fils de celle qui est mariée,

Dit l’Éternel.

(2) Élargis l’espace de ta tente;

Qu’on déploie les toiles de tes demeures :

Ne les ménage pas !

Allonge tes cordages,

Et affermis tes piquets !

(3) Car tu te répandras à droite et à gauche;

Ta descendance prendra possession des nations

Et peuplera des villes désolées. »

(Ésaïe 54.1-3 ; traduction à la Colombe)

 

On y remarque une annonce qui peut (aussi) être comprise comme l’ouverture à venir du Salut à toutes les nations, quoique dans le contexte il n’est peut-être pas nécessairement clair que c’était la première application que l’on pouvait y voir – mais ça se précisera avec le Psaume 117. Dans le « Hallel », après l’ouverture du Psaume 113, le Psaume 114 évoque ensuite la sortie d’Israël d’Égypte, c’est-à-dire la fin d’un esclavage. Le Psaume 115 suit en rendant gloire à Dieu et à lui seul – tout en soulignant le rejet de l’idolâtrie ; de l’idolâtrie qui embrouille en rend semblable aux idoles conçues par les Hommes[56], de même que le rejet d’une forme subtile d’idolâtrie pouvant s’instiller dans la recherche de quelconques mérites du peuple, comme l’évoque le premier verset :

 

« Non pas à nous, Éternel, non pas à nous,

Mais à ton nom donne gloire,

À cause de ta bienveillance, à cause de ta vérité ! »

(Psaume 115.1 ; traduction à la Colombe).

Puis, le Psaume 116 est une louange de reconnaissance à l’Éternel qui a entendu la voix de son peuple, et qui a prêté oreille aux siens en les délivrant des accablements. Vient ensuite le Psaume 117, comptant seulement deux versets, qui est une louange universelle. Le Psaume 117 se lit comme suit :

« (1) Louez l’Éternel, vous toutes les nations,

Glorifiez-le, vous tous les peuples !

(2) Car sa bienveillance pour nous est efficace,

Et la vérité de l’Éternel (dure) à toujours.

Louez l’Éternel ! »

(Psaume 117 ; traduction à la Colombe)

 

Ici, l’annonce à toutes les nations, à tous les peuples, est explicite. Y succède le Psaume 118, qui clôt le « Hallel ». Pour bien voir le contexte immédiat de Psaume 118.22 (d’où est tirée l’allusion en Actes 4.11), citons ce psaume au complet en y indiquant quelques notes au fur et à mesure ; voici donc le Psaume 118 :

 

« (1) Célébrez l’Éternel, car il est bon,

Car sa bienveillance dure à toujours !

(2) Qu’Israël dise :

Car sa bienveillance dure à toujours !

(3) Que la maison d’Aaron dise :

Car sa bienveillance dure à toujours !

 

(Note : « la maison d’Aaron » désigne les prêtres ; en référence à Exode 28.1 et Exode 28.43)[57]

 

(4) Que ceux qui craignent l’Éternel disent :

Car sa bienveillance dure à toujours !

 

(Note : on peut remarquer la récurrence du « Car sa bienveillance dure à toujours ! », des versets 1 à 4, qui arrive comme un refrain que l’on trouve dans plusieurs[58] psaumes. Notons aussi que dans le verset 4, « ceux qui craignent l’Éternel » peut désigner les véritables croyants au sein des israélites comme il peut désigner toute personne de toute nation qui place sa foi véritable en l’Éternel Dieu, puisqu’il était possible d’intégrer[59] le peuple d’Israël en plaçant sa foi en l’Éternel, celui qui est.)

 

(5) Du sein de la détresse j’ai invoqué l’Éternel :

L’Éternel m’a répondu, il (m’a mis) à l’aise.

(6) L’Éternel est pour moi, je ne crains rien :

Que peuvent me faire des hommes ?

(7) L’Éternel est mon secours,

J’arrêterai mes regards sur ceux qui me haïssent.

(8) Mieux vaut se réfugier en l’Éternel

Que se confier à l’homme;

(9) Mieux vaut se réfugier en l’Éternel

Que se confier aux nobles.

 

(Note : on remarque des versets 5 à 9 que l’espoir est en l’Éternel, en l’Éternel seul, et non pas en les hommes ni les puissants de ce monde. Lui seul sauve.)

 

(10) Toutes les nations m’environnaient :

Au nom de l’Éternel, je les taille en pièces.

(11) Elles m’environnaient, m’enveloppaient :

Au nom de l’Éternel, je les taille en pièces.

(12) Elles m’environnaient comme des abeilles :

Elles s’éteignent comme un feu d’épines;

Au nom de l’Éternel, je les taille en pièces.

 

(Note : on peut remarquer la récurrence du « Au nom de l’Éternel, je les taille en pièces », des versets 10 à 12, qui dans le contexte a une forme hyperbolique et plutôt métaphorique. Quoiqu’en même temps, les oppositions et conflits ont aussi été réels.)

 

(13) Tu me poussais fort pour me faire tomber;

Mais l’Éternel m’a secouru.

(14) L’Éternel est ma force et mon chant;

Il est devenu mon salut.

 

(Note : dans le langage poétique d’être « poussé fort » au verset 13, il y a probablement une référence à la puissance babylonienne qui fut un redoutable adversaire des Israélites. D’ailleurs, le verset 14 est une citation du Cantique de délivrance en Exode 15.2 après le passage de la Mer rouge : « L’Éternel est ma force et mon chant de louange, il a été mon salut. C’est lui qui est mon Dieu, je le célébrerai, Le Dieu de mon père, je l’exalterai. » (Exode 15.2 ; traduction à la Colombe.))

 

(15) Des cris de triomphe et de salut (s’élèvent) dans les tentes des justes :

La droite de l’Éternel agit avec puissance !

(16) La droite de l’Éternel est élevée !

La droite de l’Éternel agit avec puissance !

 

(17) Je ne mourrai pas, je vivrai

Et je redirai les œuvres de l’Éternel.

(18) L’Éternel m’a châtié,

Mais il ne m’a pas livré à la mort.

(19) Ouvrez-moi les portes de la justice :

Par elles j’entrerai, je célébrerai l’Éternel.

(20) Voici la porte de l’Éternel:

C’est par elle qu’entrent les justes.

(21) Je te célébrerai, parce que tu m’as répondu,

Parce que tu es devenu mon salut.

 

(22) La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient

Est devenue la pierre principale, celle de l’angle.

 

(Note : « La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient / Est devenue la pierre principale, celle de l’angle. » On peut maintenant bien y repérer l’allusion, ici en Psaume 118.22, au moment de la fondation du second Temple tel que rapporté dans le livre d’Esdras cité plus haut, où « Lorsque les ouvriers posèrent les fondations du temple de l’Éternel » (Esdras 3.10),  « beaucoup parmi les sacrificateurs, les Lévites et les chefs de famille âgés, qui avaient vu la première maison, pleuraient à grand bruit pendant qu’on posait sous leurs yeux les fondations de cette maison » (Esdras 3.12), puisque ceux-ci n’y retrouvaient pas la même matière noble ayant servi de matériaux au premier Temple. Et pourtant, lisons la suite du psaume.)

 

(23) C’est de l’Éternel que cela est venu :

C’est un miracle à nos yeux.

(24) C’est ici la journée que l’Éternel a faite :

À cause d’elle, soyons dans l’allégresse et la joie !

(25) Éternel, accorde le salut !

Éternel, donne le succès !

(26) Béni soit celui qui vient au nom de l’Éternel !

Nous vous bénissons de la maison de l’Éternel.

(27) L’Éternel est Dieu, il nous éclaire.

Attachez des branchages (au cortège de) fête,

Jusqu’aux cornes de l’autel !

 

(28) Tu es mon Dieu, et je te célébrerai;

Mon Dieu ! je t’exalterai.

(29) Célébrez l’Éternel, car il est bon,

Car sa bienveillance dure à toujours ! »

(Psaume 118 ; traduction à la Colombe)

 

Si nous résumons le contexte littéraire de Psaume 118.22, nous avons donc un passage se situant dans le contexte littéraire immédiat du Psaume 118 qui fait référence à l’édification du Second Temple. Qui plus est, dans un contexte littéraire où le Psaume 118 est le point culminant du « Hallel », évoquant la délivrance du peuple Israélite de l’esclavage, la fin de l’exil, une prière universelle (Psaume 117) et maintes évocations de l’ouverture à toutes les nations, à tous les peuples. Par ailleurs, outre l’application du sens au second Temple, ce sens était ouvert à d’autres applications, comme le laisse entendre le fait que le « Hallel » était chanté lors de fêtes juives importantes, et en particulier lors de la Pâque juive.

 

Enfin, quoique ça n’appartient pas à proprement dit au contexte littéraire du Psaume 118, notons tout de même au passage que le Psaume 118, « parce qu’il était lu lors de la Pâque, il pourrait bien être le dernier texte scripturaire lu ou entendu par Jésus avant sa mort »[60].

 

COMPARAISON ENTRE LE TEXTE MASSORÉTIQUE/HÉBREU ET LE TEXTE DE LA SEPTANTE, D’OÙ EST TIRÉE LA CITATION DE PSAUME 118.22

 

Comme Luc était un médecin d’origine non-juif, de culture grecque, si nous voulons voir d’où il tire son allusion en Acte 4.11, nous pouvons comparer ce verset aux versets correspondants de Psaume 118.22 dans le texte Massorétique/Hébreu de l’Ancien Testament, ainsi que dans le texte de la Septante (qui était la traduction en grec ancien de l’Ancien Testament à l’époque de Luc).

 

Dans le contexte littéraire d’Acte 4.11, nous avons cité la traduction en français du Semeur, qui est une traduction dite dynamique et qui se lit comme suit :

« Il [Jésus le Christ] est la pierre rejetée par les constructeurs – par vous – et qui est devenue la pierre principale, la pierre d’angle »

(Actes 4.11 ; traduction du Semeur)

 

Cependant, dans l’optique d’une comparaison avec les versions du texte Massorétique/Hébreu et du texte de la Septante, il est ici préférable de recourir à la traduction en français dite à la Colombe (version Nouvelle Segond révisée) qui est une traduction plus littérale et qui se lit comme suit :

« C’est lui [Jésus le Christ] :

La pierre rejetée par vous, les bâtisseurs,

Et devenue la principale, celle de l’angle. »

(Actes 4.11 ; traduction à la Colombe)

 

Maintenant, si nous regardons la traduction littérale en français, en version à la Colombe, du texte Hébreu/Massorétique de Psaume 118.22, le passage se lit comme suit :

« La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient

Est devenue la pierre principale, celle de l’angle. »

(Psaume 118.22 du texte Massorétique/Hébreu ; traduction à la Colombe)

Puis, toujours dans l’optique comparative, si nous regardons maintenant la traduction littérale en français du même Psaume 118 dans le texte de la Septante, étant donné la classification de la Septante nous retrouvons ce même Psaume numéroté 117.22.  Il se lit comme suit dans la Septante :

« La pierre que les constructeurs avaient rejetée

Est devenue la pierre angulaire de l’édifice. »

(Septante : Psaume « 118.22 », numéroté 117.22 dans la Septante ; traduction en français du grec ancien de la Septante : https://theotex.org/septuaginta/psaumes/psaumes_117.html )

 

La citation/reprise de Psaume 118.22 par Luc en Actes 4.11 semble provenir du texte Massorétique/Hébreu. Reprenons côte à côte la première portion du verset :

– « La pierre rejetée par vous, les bâtisseurs, » (Actes 4.11 ; trad. Colombe)

– « La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient » (Psaume 118.22 ; Massorétique)

– « La pierre que les constructeurs avaient rejetée (Psaume 117.22 (équ. 118.22) ; Septante)

 

Mis à part l’ajout en Actes 4.22 de la mention « par vous » – qui est un ajout bien compréhensible, puisque le sens passe d’une application aux bâtisseurs du Second Temple à une application aux membres du Grand Conseil, c’est-à-dire « les chefs des Juifs, les responsables du peuple et les spécialistes de la Loi » (Actes 4.5) –, les différences entre les textes sont sommes toutes mineures. Le texte en Actes partage avec le texte Massorétique l’expression « bâtisseurs / ceux qui bâtissaient », alors que le texte de la Septante utilise « constructeurs » (du moins dans les traductions en français de ces textes). Mais c’est somme toute mineur comme différences (surtout si on tient compte que l’on utilise ici des traductions françaises pour l’hébreu et le grec ancien). L’ordre des mots dans la construction de la phrase est aussi plus proche du texte Massorétique/Hébreu. Les accords des verbes diffèrent aussi légèrement, mais là encore ces différences sont mineures et, surtout, ne modifient pas le sens.

 

Reprenons maintenant côte à côte la seconde portion du verset :

– « Et devenue la principale, celle de l’angle. » (Actes 4.11 ; trad. Colombe)

– « Est devenue la pierre principale, celle de l’angle. » (Psaume 118.22 ; Massorétique)

– « Est devenue la pierre angulaire de l’édifice. » (Psaume 117.22 (équ. 118.22) ; Septante)

 

Dans ce cas, mis à part le « Et » qui était un « Est » dans la construction du verset Massorétique, et mis à part que « la pierre » explicitée dans le texte Massorétique est sous-entendue dans cette portion de la construction du verset en Actes, le reste est pareil entre le texte des Actes et le texte Massorétique. Dans ces deux textes, on explicite la mention que la pierre est « la principale, celle de l’angle ». Par contraste, le texte de la Septante explicite seulement « la pierre angulaire » sans expliciter qu’elle est « la principale », laissant en sous-entendu qu’en termes architecturaux « la pierre angulaire / pierre d’angle » est « la pierre de fondation que l’on place à l’angle et sur laquelle on bâtit les murs (cp. Za 3.9 ; 4.7 ; 10.4). »[61]

 

Le passage en Actes 4.11 semble donc être tiré par Luc du texte Massorétique/Hébreu du Psaume 118.22, et non de la traduction de la Septante (en grec ancien), du moins à la vue des données proprement internes[62] aux textes eux-mêmes. Cela dit, dans le cas bien précis de la citation de ce verset, les différences entre les textes Massorétiques/Hébreu et de la Septante sont si mineures, qu’il n’y a pas d’incidence significative que le verset soit puisé de l’un ou l’autre texte source. Assurément à tout le moins, cela n’a pas d’incidence pour l’interprétation de la fonction de Psaume 118.22 en Actes 4.11 en tant qu’accomplissement typologique, qu’il est maintenant temps d’aborder.

 

 

LA FONCTION DE PSAUME 118.22 EN ACTES 4.11 : LE SIGNALEMENT D’UN ACCOMPLISSEMENT TYPOLOGIQUE

A)    LA TYPOLOGIE : PRÉSENTATION ET PRÉSUPPOSÉS

À l’examiner, l’allusion à Psaume 118.22 en Actes 4.11 relève d’un accomplissement typologique. Mais rappelons d’abord ce qu’est la typologie. La typologie n’est ni une allégorie[63] ni une simple analogie. Il y a dans la typologie l’idée de récurrence, de répétition, et l’idée de correspondance. En termes théologiques, la typologie a pour présupposé que Dieu est maître souverain de l’histoire et qu’Il agit notamment avec des schémas/modèles qui se répètent. Ainsi, les actions antérieures de Dieu anticipent ses actions ultérieures. Ce qui laisse entrevoir qu’il y a des correspondances entre des événements, avec à la fois des traits communs et des différences. Et ce, tout en ayant un parallèle ; l’anticipation étant liée à l’idée qu’il y a un déroulement linéaire de l’histoire (et non pas un déroulement cyclique de l’histoire). Cela fait en sorte que les dernières réalités éclipsent les réalités premières sur lesquelles elles se fondent : il y a bel et bien dépassement.[64]

 

À ce sujet, Graeme Goldsworthy écrit que

« La typologie repose sur l’idée selon laquelle la façon dont Dieu a parlé et agi dans l’Ancien Testament était une préparation et une anticipation de la parole et de l’acte définitif de Dieu en Christ. »[65]

 

Ailleurs, Goldsworthy écrit aussi que

« La typologie consiste à reconnaitre qu’au sein de l’Écriture, certains événements [[66]], certains personnages [[67]] ou certaines institutions [[68]] sont liés à d’autres événements, personnages ou institutions ultérieures. Le rapport est le suivant : les premiers annoncent les seconds ; les seconds accomplissent les premiers, ou les amènent à la perfection. »[69]

 

Dans une telle grille de lecture, ce que l’on appelle « type » est l’élément antérieur, alors que ce que l’on désigne « antitype » est l’accomplissement. D’ailleurs, notons que beaucoup peuvent faire les rapprochements typologiques, sans nécessairement connaitre le terme de typologie. Ainsi, note Don Carson :

« Les chrétiens qui lisent leur Bible méditent sur les rapports entre le règne de David et celui de Jésus, entre l’agneau pascal de l’exode et Jésus, le véritable Agneau pascal, entre Melchisédek et Jésus, entre le repos sabbatique et le repos que Jésus offre, entre le rôle du souverain sacrificateur et celui de Jésus, le grand souverain sacrificateur, entre le Temple de l’ancienne alliance dans lequel entraient les sacrificateurs et le Saint des saints céleste dans lequel Jésus est entré, et sur bien d’autres rapprochements encore. Pour ceux qui vivaient sous les dispositions de l’Ancienne Alliance, la fidélité à l’alliance signifiait l’adhésion aux institutions et aux rites institués par Dieu, même si, sur la grande échelle biblique, ces institutions et ces rites annonçaient quelque chose de meilleur. Au moyen de ces représentations, Dieu parlait de l’avenir. À partir du moment où le chrétien saisit cette vérité, une grande partie de la Bible prend une autre perspective. »[70]

 

Enfin, ajoutons deux présupposés supplémentaires à la typologie. Il y a (1) le présupposé que Jésus et les apôtres considéraient que l’Ancien Testament est l’Écriture sainte et la Parole de Dieu[71] ; de même qu’il y a (2) le présupposé que l’aide du Saint-Esprit (avec le renouvellement de l’intelligence) est indispensable pour comprendre la manière dont Jésus et les apôtres lisent l’Ancien Testament.[72] Ce dernier présupposé implique donc que le témoignage que rend objectivement l’Ancien Testament à Jésus le Christ, en indiquant que « tout » pointe vers lui, n’est reconnaissable qu’après coup, grâce à la foi en Christ suscitée par l’Esprit.  En d’autres termes, malgré tous les indices qu’il y a dans l’Ancien Testament, ça devient repérable/reconnaissable qu’après la mort-résurrection du Christ, grâce au Saint-Esprit qui enlève un voile des yeux. C’est du moins le sens du concept de mystère chez Paul, que nous avons évoqué plus tôt dans ce travail. De même que c’est aussi là l’indication herméneutique livrée notamment (mais pas seulement) avec l’apparition de Jésus aux disciples sur le chemin d’Emmaüs (Luc 24.13-35), dont nous avons exposé le sens plus tôt – dans la section sur le contexte littéraire d’Actes 4.11. Formulé avec d’autres mots :

« En résumé, le quatrième évangile affirme que c’est seulement lorsque l’Écriture [l’Ancien Testament] est éclairée par le Saint-Esprit, c’est-à-dire lorsqu’elle est lue dans la perspective de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ, que l’Église peut y discerner le témoignage que Dieu y rend à son Fils. »[73]

 

On trouve aussi une affirmation allant dans la même direction, à propos de la relation entre l’Ancien Testament et la personne de Jésus, dans la lettre de Paul en 2 Corinthiens 3.14-18 :

« (14) Mais leur esprit est devenu incapable de comprendre : aujourd’hui encore, lorsqu’ils lisent le Livre de l’Ancienne Alliance, ce même voile demeure ; il ne leur est pas ôté, car c’est dans l’union avec Christ qu’il est levé. (15) Aussi, jusqu’à ce jour, toutes les fois que les Israélites lisent les écrits de Moïse, un voile leur couvre l’esprit. (16) Mais, comme le dit l’Écriture :

Lorsque Moïse se tournait vers le Seigneur, il ôtait le voile.

Le Seigneur dont parle le texte, c’est l’Esprit, et là où est l’Esprit du Seigneur, là règne la liberté. (18) Et nous tous qui, le visage découvert, contemplons, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en son image dans une gloire dont l’éclat ne cesse de grandir. C’est là l’œuvre du Seigneur, c’est-à-dire de l’Esprit. »

(2 Corinthiens 3.14-18 ; traduction Semeur)

 

En gardant cet horizon à l’esprit, avant de passer à l’interprétation proprement dite de la fonction de Psaume 118.22 en Actes 4.11 en tant qu’accomplissement typologique, mentionnons une énumération – dans cette perspective – des fonctions de l’Ancien Testament selon le Nouveau Testament :

« L’Ancien Testament peut être utilisé par le Nouveau Testament :

  1. pour signaler l’accomplissement d’une prédiction
  2. pour annoncer l’accomplissement futur d’une prédiction
  3. pour signaler un accomplissement typologique
  4. pour annoncer l’accomplissement futur d’un type
  5. pour indiquer, d’une manière générale, l’accomplissement de l’Ancien Testament

dans son ensemble ou celui d’une partie importante de l’Ancien Testament

 

  1. pour rappeler une étape importante de l’histoire du salut (avec une visée théologique précise)
  2. pour souligner l’insuffisance de l’ancienne disposition et mettre en lumière la solution en Christ
  3. pour nourrir la réflexion sur l’interprétation et l’application de la Loi mosaïque
  4. pour développer à la lumière de l’Évangile (dans la perspective d’un aboutissement

ultime) des concepts vétérotestamentaires récurrents (parfois symboliques)

  1. pour appliquer à Christ ce qui concerne Dieu/l’Éternel dans l’AT
  2. pour relever une situation ironique (ou un renversement) mise en lumière par

l’Évangile

 

  1. pour signaler l’accomplissement d’une promesse valable à toute époque
  2. pour réaffirmer une réalité / un principe / un commandement qui reste valable
  3. pour fournir un exemple qui a une portée éthique

 

  1. pour établir une analogie avec la situation présente
  2. pour formuler de nouvelles réalités avec des mots, des catégories, des images, des

symboles ou dans un style qui sont propres à l’AT (sans que la perspective d’un

« aboutissement ultime » ne paraisse intervenir)

  1. pour présenter une position qui n’est pas celle de l’auteur du NT

 

  1. pour servir de modèle dans l’élaboration d’une structure littéraire substantielle

dans le NT »[74]

B)   LA FONCTION DE PSAUME 118.22 EN ACTES 4.11 : SOULIGNER UN ACCOMPLISSEMENT TYPOLOGIQUE

Parmi les fonctions (énumérées ci-haut) de l’Ancien Testament selon le Nouveau Testament, la fonction la plus importante de l’allusion au Psaume 118.22 en Actes 4.11 est de souligner un accomplissement typologique. Si on y va en ordre décroissant d’importance des fonctions[75], il serait délicat de parler du signalement de l’accomplissement d’une prédiction à proprement dit. Car si certains psaumes constituent des oracles (comme le Psaume 110), le Psaume 118 dans son contexte littéraire n’évoque pas à proprement dit une promesse (et évidemment, encore moins l’annonce d’un jugement) : on n’est par exemple pas dans un cas comme l’annonce du lieu de la naissance à venir du Messie en Michée 5.1, repris en Matthieu 2.4-6. Toujours en y allant par ordre décroissant d’importance des fonctions, il ne s’agit pas non plus à proprement parler de l’annonce de l’accomplissement futur d’une prédiction, comme lorsqu’en Romain 11.25-27 est cité Ésaïe après avoir mentionné que « […] l’endurcissement d’une partie d’Israël durera jusqu’à ce que l’ensemble des non-Juifs soit entré dans le peuple de Dieu, et ainsi, tout Israël sera sauvé. C’est là ce que dit l’Écriture : [suivi d’une citation composée d’Ésaïe 29.9 et d’Ésaïe 59.20-21] » (Romain 11.25-27). Cependant, toujours en procédant en suivant l’ordre décroissant d’importance des fonctions, on peut soutenir que parmi les fonctions de l’Ancien Testament selon le Nouveau Testament, la reprise de Psaume 118.22 en Actes 4.11 a pour fonction de signaler un accomplissement typologique. C’est plus subtil qu’avec les deux premières fonctions de la liste, mais on peut considérer que les événements évoqués à propos de la construction du second Temple de Jérusalem dans le Psaume 118 sont un « type », qui trouve son « antitype » avec le Christ.

 

Cette reprise du passage en Psaume 118.22 dans le passage en Actes 4.11 n’est pas une allusion aléatoire. Elle tient compte du contexte littéraire d’origine du Psaume 118 ! Comme nous l’avons expliqué dans le contexte littéraire du Psaume 118 – qui constitue le point culminant du « Hallel » –, la construction du second Temple était l’espoir d’une nouvelle présence de Dieu s’ouvrant non seulement pour le peuple d’Israël, mais aussi dans la destinée de toutes les nations. Mais sa construction ne fut pas facile, et en particulier au moment où sa pierre de fondation fut posée « beaucoup parmi les sacrificateurs, les Lévites et les chefs de famille âgés, qui avaient vu la première maison, pleuraient à grand bruit pendant qu’on posait sous leurs yeux les fondations de cette maison » (Esdras 3.12). Ce qui allait venir avec le second Temple ne leur semblait pas avoir autant de grandeur qu’avec le premier Temple et ils ne voyaient pas la nouvelle grandeur qui allait pourtant venir. On a là un « type » qui « trouve son « antitype » avec Jésus le Christ. En Acte 4.11, le contexte montre que les pharisiens, les responsables du peuple et les spécialistes de la Loi, eux non plus, ne se retrouvent plus dans leurs anciens repères et ne voient pas la grandeur cette fois sans faille qui advient avec Jésus le Christ.

 

Le second Temple marquait aussi une avancée notable dans l’ouverture à toutes les nations, symbolisant le Salut universel. C’est là aussi un « type » demeurant cependant limité/imparfait, qui trouve son « antitype » parfait avec Christ et la réalisation de l’annonce que le Salut s’étendra à tous les peuples, toutes les nations – et jusqu’aux extrémités de la Terre (Luc 24.47[76], ainsi qu’Actes 1.8[77] et Actes 28.23-31[78]).

 

Par ailleurs, le second Temple devient un Temple « céleste », avec une spiritualisation où ce n’est plus tant le bâtiment qui importe, mais plutôt un temple-communauté[79]. Là aussi, on a un « type » qui trouve son « antitype » parfait avec l’avènement – à la suite de la mort-résurrection du Christ[80] – de l’Église conçu comme communauté des croyants en Christ, qui devient le « corps du Christ » et le « temple » du Saint-Esprit. Avec cet « antitype » advenant avec la Nouvelle Alliance instaurée par l’Éternel Dieu en Jésus-Christ, le nouveau temple est la communauté des personnes croyant en Jésus le Christ (mort et ressuscité). Par extension, chaque personne qui a sa foi en Jésus-Christ est un temple, dans la mesure où il fait partie du « corps du Christ »[81]. Par là, pour les personnes ayant foi en lui, Jésus le Christ est aussi un accès direct à Dieu le Père, sans entrave ni intermédiaire humain. Mais de là aussi à l’inverse, notons-le au passage, que l’idolâtrie est une dérive dont la source apparait encore plus clairement dans « le cœur »[82] que dans les objets.

 

Par ailleurs, bien que la rédaction du Psaume 118 date d’une période après le Roi David (puisque le Temple n’existait pas au temps de David et que le Psaume 118 – et le « Hallel » – y fait référence), il est possible que dans le contexte de l’époque la « pierre rejetée » pouvait en même temps s’appliquer à ce qui était arrivé à David. Celui-ci avait d’abord été rejeté par les tribus du Nord, jusqu’à ce que Saül fut enterré et que David devienne le Roi de tout le peuple d’Israël (2Samuel 2.4-6 suivi de 2Samuel 5.1-5). Dans la Bible, le Roi David étant régulièrement un « type » trouvant son « antitype » en Jésus le Christ, cela s’ajoute aux allusions au Temple et renforce le caractère typologique de la reprise de l’extrait de Psaume 118.22 en Actes 4.11.

 

On peut aussi mettre l’idée de « pierre principale, celle d’angle » (Actes 4.11, Psaume 118.22) en parallèle avec les mentions que l’on trouve chez le prophète Zacharie. En Zacharie 3.9, on peut lire :

« Car voici la pierre que j’ai placée devant Josué : il y a sept yeux sur cette seule pierre. Je grave moi-même ce qui doit y être gravé –  déclaration du Seigneur (YHWH) des Armées – et je retirerai la faute de ce pays, en un seul jour. »

(Zacharie 3.9 ; version Colombe ; c’est nous qui soulignons)

 

Or, retirer la faute « en un seul jour », c’est ce que Jésus le Christ fait pour qui place sa foi en lui et lui seul, avec son sacrifice de substitution qui a été fait une fois pour toutes. Qui plus est, dans le contexte – il est important de le noter – où Zacharie prophétise sur un nouvel exode après avoir parlé du jugement sur les idoles, le prophète Zacharie écrit en 10.3-4 :

« (3) Je [l’Éternel] suis en colère contre les bergers,

je ferai rendre des comptes aux boucs ;

car le Seigneur (YHWH) des Armées est intervenu

en faveur de son troupeau, la maison de Juda,

il en a fait son cheval d’honneur à la guerre ;

(4) de lui sortira la pierre angulaire,

de lui le piquet,

de lui l’arc de guerre ;

de lui sortiront les chefs, tous ensemble. »

(Zacharie 10.3-4 ; version Colombe)

Remarquons bien le verset 4 : « de lui sortira la pierre angulaire, de lui le piquet [de la tente/demeure de l’Éternel Dieu],de lui l’arc de guerre [spirituelle contre l’asservissement] ; de lui sortiront les chefs, tous ensemble », écrit dans un contexte où il est question d’un nouvel exode, et qui annonce que le peuple pourra retrouver sa liberté grâce à une nouvelle pierre angulaire à venir. Et un peu plus loin, Zacharie ajoute en mention de la prophétie :

« (8) Je [l’Éternel] sifflerai pour les rassembler [les siens],

car je les libère,

et ils se multiplieront comme ils se multipliaient.

(9) Je les sèmerai parmi les peuples,

et au loin ils se souviendront de moi ;

ils vivront, eux et leurs fils,

et ils reviendront. »

(Zacharie 10.8-9 ; version Colombe)

 

Dans ce passage, on peut y déceler l’annonce que la Bonne Nouvelle pourra vivre « jusqu’aux extrémités de la terre », pour tous les peuples, toutes les nations – la mission universelle du Christ ressortant clairement sous la plume de Luc dans son récit des événements[83].

 

Les allusions ne s’arrêtent d’ailleurs pas là. Le verset en Actes 4.11 – tiré de Psaume 118.22 – qui associe Jésus à la pierre angulaire ne fait pas allusion qu’au prophète Zacharie, il fait aussi allusion au prophète Ésaïe. Ainsi, on peut lire en Ésaïe 28.14-16 :

« (14) C’est pourquoi écoutez la parole de l’Éternel, moqueurs,

Vous qui dominez sur ce peuple de Jérusalem !

(15) Vous dites : nous avons conclu une alliance avec la mort,

Nous avons fait un pacte avec le séjour des morts ;

Quand le fléau débordant passera,

Il ne nous atteindra pas,

Car nous avons le mensonge pour refuge

Et la fausseté pour abri.

(16) C’est pourquoi ainsi parle le Seigneur, l’Éternel :

Me voici ! J’ai mis pour fondement en Sion une pierre,

Une pierre éprouvée, (une pierre) angulaire de prix, solidement posée; Celui qui la prendra pour appui n’aura pas hâte (de fuir). »

(Ésaïe 28.14-16 ; traduction à la Colombe ; c’est nous qui soulignons)

 

L’allusion à la « pierre » s’étend aussi, chez le prophète Ésaïe, quoique moins directement pour la référence, au passage en Ésaïe 17.10 :

« Car tu as oublié le Dieu de ton salut,

Tu ne t’es pas souvenu du rocher de ta force. »

(Ésaïe 17.10 ; traduction Colombe)

 

Par ailleurs, concernant l’allusion typologique en Acte 4.11 à Psaume 118.22, il est important de se rappeler que cette allusion suit l’allusion que Jésus a lui-même faite – relatée en Luc 20.17 – en citant le Psaume 118.22 tout en l’associant avec une double référence au prophète Ésaïe (8.14-15) et au prophète Daniel (2.34-35).  C’est d’autant plus important de se le rappeler, si on songe que c’est Jésus qui a « ouvert les yeux » des disciples/apôtres sur ce qu’annoncent les Écritures. Reprenons le passage en Luc 20.17 que nous avons déjà cité plus tôt :

« (9) Il s’adressa ensuite au peuple et se mit à raconter cette parabole : Un homme planta une vigne ; il la loua à des vignerons et partit en voyage pour un temps assez long. (10) Au moment des vendanges, il envoya un serviteur auprès des vignerons afin qu’ils lui remettent une partie du produit de la vigne, mais les vignerons le rouèrent de coups et le renvoyèrent les mains vides. (11) Le propriétaire leur envoya un autre serviteur. Celui-là aussi, ils le renvoyèrent les mains vides, après l’avoir roué de coups et couvert d’insultes. (12) Le maître persévéra et leur en envoya un troisième. Celui-là aussi, ils le chassèrent, après l’avoir grièvement blessé.

(13) Le propriétaire du vignoble se dit alors : « Que faire ? Je leur enverrai mon fils bien-aimé ; peut-être auront-ils du respect pour lui. »

(14) Mais quand les vignerons l’aperçurent, ils raisonnèrent ainsi entre eux : « Voilà l’héritier ! Tuons-le, afin que l’héritage nous revienne ! »

(15) Alors ils le traînèrent hors du vignoble et le tuèrent.

Comment le propriétaire de la vigne agira-t-il envers eux ? (16) Il viendra lui-même, fera exécuter ces vignerons et confiera le soin de sa vigne à d’autres.

– Pas question ! s’écrièrent les auditeurs de Jésus en entendant cela.

(17) Mais lui, fixant le regard sur eux, leur dit : Que signifie donc ce texte de l’Écriture :

La pierre que les constructeurs | ont rejetée

est devenue la pierre principale, | la pierre d’angle.

(18Celui qui tombera sur cette pierre-là | se brisera la nuque,

et si elle tombe sur quelqu’un, | elle l’écrasera.

(19) Les spécialistes de la Loi et les chefs des prêtres cherchèrent à mettre immédiatement la main sur Jésus, mais ils eurent peur des réactions du peuple. En effet, ils avaient bien compris que c’était eux que Jésus visait par cette parabole. »

(Luc 20.9-19 ; traduction Bible du Semeur)

 

En bloc avec le verset 17 où se trouve la citation de Psaume 118.22, au verset 18 Jésus combine à la fois une référence à Ésaïe 8.14-15 et à Daniel 2.34-35.  Voici le contexte littéraire immédiat d’où est tirée la référence à Ésaïe 8.14-15 :

« (11) Car ainsi m’a parlé l’Éternel,

Quand (sa) main me saisit,

Et qu’il m’avertit de ne pas marcher dans la voie de ce peuple :

(12) Vous n’appellerez pas conspiration

Tout ce que ce peuple appelle conspiration;

Vous ne craindrez pas ce qu’il craint,

Et vous ne (le) redouterez pas.

(13) C’est l’Éternel des armées

Que vous devez sanctifier,

C’est lui que vous devez craindre,

C’est lui que vous devez redouter.

(14) Alors il sera un sanctuaire,

Mais aussi une pierre de malheur,

Un rocher qui fait trébucher

Pour les deux maisons d’Israël,

Un filet et un piège

Pour les habitants de Jérusalem.

(15) Beaucoup (d’hommes) y trébucheront;

Ils tomberont et se briseront,

Ils seront pris au piège et capturés. »

(Ésaïe 8.14-15 ; traduction à la Colombe)

On peut assez bien y déceler l’évocation d’un contexte de tension entre les « autorités » d’un peuple et la seule autorité qui vaille, l’Éternel Dieu – et l’application du sens que Jésus fait à ce qu’Il est venu accomplir en tant que « pierre angulaire ». Et voici le passage en Daniel 2.34-35 auquel fait aussi référence Jésus :

« (34) Tu regardais, lorsqu’une pierre se détacha sans le secours d’aucune main, frappa les pieds de fer et d’argile de la statue et les réduisit en poussière. (35) Alors le fer, l’argile, le bronze, l’argent et l’or furent pulvérisés ensemble et devinrent comme la balle qui s’échappe d’une aire en été ; le vent les emporta, et nulle trace n’en fut retrouvée. Mais la pierre qui avait frappé la statue devint une grande montagne et remplit toute la terre. »

(Daniel 2.34-35 ; traduction à la Colombe)

 

Bien que c’est beaucoup moins évident ici, on peut songer à l’annonce que Jésus avait faite (au moment où il a chassé les marchands du Temple) que si les gens détruisaient le Temple, alors « en trois jours, je [Jésus] le relèverai » (Jean 2.19). En fait, les trois jours peuvent être vus comme les trois jours de la croix à la résurrection ; trois jours après quoi advient en Christ le nouveau temple (pour reprendre la typologie déployée jusqu’ici) ; trois jours après quoi Jésus apparait manifestement comme la pierre angulaire du nouveau Temple – et l’amorce de la propagation de la Bonne Nouvelle à « toute la terre ».

 

Enfin, bien qu’une allusion typologique ne peut pas être absolument démontrée hors de tout doute, il est raisonnable de considérer que la reprise en Actes 4.11 de Psaume 118.22 vient souligner un accomplissement typologique. Le caractère allusif apparait d’ailleurs en phase avec l’explication de Jésus à propos de son recours à des paraboles – autre forme de langage indirect –, tel que relaté dans l’Évangile de Luc lors de la parabole du semeur :

« (4) Une grande foule, ayant afflué de chaque ville, s’était rassemblée autour de lui. Alors Jésus leur raconta cette parabole : (5) Un semeur sortit pour faire ses semailles. Pendant qu’il répandait sa semence, des grains tombèrent au bord du chemin, furent piétinés par les passants, et les oiseaux du ciel les mangèrent. (6) D’autres tombèrent sur de la pierre. À peine eurent-ils germé que les petits plants séchèrent parce que le sol n’était pas assez humide. (7) D’autres grains tombèrent au milieu des ronces ; celles-ci poussèrent en même temps que les bons plants et les étouffèrent. (8) Mais d’autres tombèrent dans la bonne terre ; ils germèrent et donnèrent du fruit : chaque grain en produisit cent autres.

Et Jésus ajouta : Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende !

 

(9) Les disciples lui demandèrent ce que signifiait cette parabole.

(10) Il leur dit : Vous avez reçu le privilège de connaître les secrets du royaume de Dieu, mais pour les autres, ces choses sont dites en paraboles. Ainsi, bien qu’ils regardent, ils ne voient pas ; bien qu’ils entendent, ils ne comprennent pas.

 

(11) Voici donc le sens de cette parabole : La semence, c’est la Parole de Dieu. (12) « Au bord du chemin » : ce sont les personnes qui écoutent la Parole, mais le diable vient l’arracher de leur cœur pour les empêcher de croire et d’être sauvées.

(13) « Sur de la pierre » : ce sont ceux qui entendent la Parole et l’acceptent avec joie ; mais, comme ils ne la laissent pas prendre racine en eux, leur foi est passagère. Lorsque survient l’épreuve, ils abandonnent tout.

(14) « La semence tombée au milieu des ronces » représente ceux qui ont écouté la Parole, mais en qui elle est étouffée par les soucis, les richesses et les plaisirs de la vie, de sorte qu’elle ne donne pas de fruit.

(15) Enfin, « la semence tombée dans la bonne terre », ce sont ceux qui, ayant écouté la Parole, la retiennent dans un cœur honnête et bien disposé. Ils persévèrent et ainsi portent du fruit.

(Luc 8.4-15)

 

Notons que le passage en italique du verset 10 est une référence que Jésus fait à Ésaïe. Voici ledit passage auquel il est fait référence, tel qu’il apparait en Ésaïe 6.9 :

« Il [le Seigneur] dit alors :

Va dire à ce peuple :

Écoutez toujours,

mais vous ne comprendrez rien !

Regardez toujours,

mais vous n’apprendrez rien ! »

(Ésaïe 6.9 ; traduction à la Colombe)

 

Encore une fois, il est question des personnes qui ont des oreilles, mais ne comprennent pas ; des personnes qui ont des yeux, mais ne voient pas.  On peut ici penser tout autant au voile qui est enlevé des yeux des disciples[84] après qu’ils « reconnaissent » Jésus ressuscité et qu’Il leur ouvre l’intelligence pour comprendre les Écritures ; comme on peut tout autant songer au contexte en Actes 4.11 où Pierre, devant les membres du Grand-Conseil leur répond :

« (10) Eh bien, sachez-le tous, et que tout le peuple d’Israël le sache : c’est au nom de Jésus-Christ de Nazareth que nous avons agi, de ce Jésus que vous avez crucifié et que Dieu a ressuscité ; c’est grâce à lui que cet homme se tient là, debout, devant vous, en bonne santé. (11) Il [Jésus le Christ] est la pierre rejetée par les constructeurs – par vous – et qui est devenue la pierre principale, la pierre d’angle. (12) C’est en lui seul [Jésus le Christ] que se trouve le salut. Dans le monde entier, Dieu n’a jamais donné le nom d’aucun autre homme par lequel nous devions être sauvés. »

(Actes 4.10-12)

Ainsi, au travers de l’allusion, est souligné un accomplissement typologique.

 

L’USAGE THÉOLOGIQUE DU TEXTE DE PSAUME 118.22 EN ACTES 4.11

Même si les membres du Grand-Conseil (« les chefs des Juifs, les responsables du peuple et les spécialistes de la Loi »[85]) n’ont pas le beau rôle lorsque Pierre leur dit que « [Jésus le Christ] est la pierre rejetée par les constructeurs – par vous – et qui est devenue la pierre principale, la pierre d’angle » (Actes 4.11), on peut comprendre leurs réactions. Nous aurions tous pu réagir comme eux, à leur place. Leur incrédulité peut se comprendre. Dans le contexte de l’époque, il n’était pas plus facile[86] qu’aujourd’hui de croire en la résurrection corporelle de Jésus – dans le contexte de l’époque, ce n’était ni plus facile, ni plus difficile à croire. Les sadducéens – ayant des liens avec le pouvoir politique et étant enclins à collaborer avec Rome pour préserver le Temple (dont ils avaient la responsabilité) et leur peuple –, étaient issus de « la riche aristocratie sacerdotale de Jérusalem »[87], et surtout, ils ne croyaient pas en la résurrection des morts. Les esséniens, eux, croyaient en la résurrection des morts, mais c’était une résurrection à la fin des temps qu’ils envisageaient – et qui plus est, Jésus ne correspondait pas à ce à quoi ils s’attendaient, puisqu’ils « attendaient la venue de deux messies, l’un politique et l’autre sacerdotale »[88]. Enfin, les pharisiens – au nombre duquel on comptait les scribes, et chez lesquels avait été développé un cadre précis d’interprétation[89] – croyaient en la résurrection, mais comme pour les esséniens, les pharisiens pensaient qu’elle ne pouvait avoir lieu qu’à la fin des temps et n’envisageaient donc pas une résurrection corporelle telle que celle de Jésus. Or, avec l’affluence de témoignages de la résurrection de Jésus, ils sont placés devant le miraculeux – au sens littéral de miracle : qui n’a aucune explication naturelle – tout en ne voyant par ailleurs pas non plus à quoi ça pourrait correspondre dans leurs visions/compréhension des Écritures ni de leurs attentes messianiques. En cela, ça ne les prédisposait pas davantage à croire en la résurrection corporelle de Jésus qu’à notre époque où l’on peut trouver des croyances en une quelconque « vie après la mort pour l’âme » sans que ne soit nécessairement envisagé pour autant de faire le pas de l’admission de la résurrection corporelle de Jésus. Les difficultés pour eux d’y croire n’étaient peut-être pas les mêmes qu’aujourd’hui, mais elles n’étaient pas moindres.

 

De plus, il faut garder à l’esprit le premier commandement de la table de la loi transmise avec Moïse : « Tu n’auras pas d’autre Dieu que moi » (Exode 20.3 ; et le rappel en Deutéronome 5.6-7). Comme les membres du Grand-Conseil n’avaient pas saisi le concept de Trinité, on peut concevoir qu’ils aient pu se demander s’il n’y avait pas là un risque de glisser dans l’idolâtrie. Les esséniens et les pharisiens attendaient bel et bien le Messie, mais Jésus n’était pas ce qu’ils anticipaient ; ils pensaient que le Messie serait un sauveur « politique » et que leur « libération » serait politique[90].

 

Or, comme nous l’avons noté dans la section sur le contexte littéraire d’Acte 4.11, le passage où Pierre et Jean expliquent (en Actes 4.10) ce qui s’est passé avec l’infirme qui a été guéri, montre que Jésus le Christ et l’Éternel Dieu ne font qu’un et un seul sans pour autant être identiques – il s’agit de la notion de Trinité qui semble alors être saisie par les apôtres, mais qui doit encore sembler incompréhensible aux membres du Grand-Conseil. D’ailleurs, tant dans son Évangile que dans les Actes des apôtres, Luc met l’emphase sur la résurrection du Christ – et le fait que celui-ci avait annoncé à diverses reprises qu’il ressusciterait le troisième jour. Puisqu’une alliance divine n’est pas une « négociation » et que Dieu seul établit unilatéralement les alliances ; et puisque seul Dieu a l’autorité pour conclure une Nouvelle Alliance, la résurrection de Jésus le Christ est une nécessaire confirmation[91] par l’Éternel Dieu que Jésus est bien celui qu’Il disait être – et le Christ qu’Il avait annoncé. Qui plus est, non seulement Luc met l’emphase sur la mort et la résurrection du Christ, mais tout au cours de son Évangile et des Actes, il fait aussi ressortir que l’Ancien Testament annonçait que les souffrances du Messie/Christ à venir devaient précéder son entrée en Gloire.

 

Aussi le verset 10 (en Acte 4), juste avant la citation de Psaume 118.22 en Actes 4.11, fait tout autant ressortir encore une fois la résurrection de Jésus que l’unité entre Jésus et l’Éternel Dieu. En lisant en Acte 4.10 :

(10) Eh bien, sachez-le tous, et que tout le peuple d’Israël le sache : c’est au nom de Jésus-Christ de Nazareth que nous avons agi, de ce Jésus que vous avez crucifié et que Dieu a ressuscité ; c’est grâce à lui que cet homme [le paralysé] se tient là, debout, devant vous, en bonne santé. »

on peut ainsi y voir tout autant l’affirmation que Dieu a ressuscité Jésus-Christ, qu’un condensé sur la Trinité – et donc de l’attestation de la validité de la Nouvelle Alliance. L’infirme ayant été miraculeusement guéri dans le nom de Jésus-Christ (Actes 3.6 et Actes 4.10), mais tout en ayant été miraculeusement guéri par l’Éternel Dieu, le « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » (Actes 3.13). Aussi, l’allusion qui suit au verset 11 que « [Jésus le Christ] est la pierre rejetée par les constructeurs – par vous – et qui est devenue la pierre principale, la pierre d’angle. » (Actes 4.11) signale tout autant l’accomplissement typologique dont nous avons parlé, qu’il souligne l’édification qui advient maintenant avec une Nouvelle Alliance, dont le Christ est la pierre angulaire. Il y a donc un « avant » et un « après » : Christ accomplissant l’Ancien Testament, il y a un basculement dans une nouvelle ère – dans un dernier temps où il y a déjà accomplissement puisque le sacrifice du Christ est fait une fois pour toutes, pour toutes personnes dont la foi est en lui.

 

Le passage de l’Évangile de Jean en début du chapitre 14 (dont le verset 6 est un point saillant) est bien connu des chrétiens :

« (1) Jésus dit : Que votre cœur ne se trouble pas. Ayez foi en Dieu, ayez aussi foi en moi. (2) Dans la maison de mon Père, il y a beaucoup de demeures ; si ce n’était pas vrai, je vous l’aurais dit : en effet je vais vous préparer une place. (3) Lorsque je vous aurai préparé une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que vous soyez, vous aussi, là où je suis. (4) Mais vous en connaissez le chemin.

(5) Thomas lui dit : Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas, comment pourrions-nous savoir par quel chemin on y parvient ?

(6) Je suis, moi, le chemin, répondit Jésus, la vérité et la vie. Personne ne va au Père sans passer par moi. (7) Si vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père. Et maintenant déjà vous le connaissez, vous l’avez même vu. »

(Jean 14.1-7)

 

Or, on peut remarquer que le verset qui suit immédiatement l’allusion en Actes 4.11 va dans le même sens que ce qui est affirmé en Jean 14.6. Après l’allusion au Psaume 118.22 en Actes 4.11, on lit au verset suivant :

« (12) C’est en lui seul [Jésus le Christ] que se trouve le salut. Dans le monde entier, Dieu n’a jamais donné le nom d’aucun autre homme par lequel nous devions être sauvés. »

(Actes 4.12)

 

Dieu étant juste, nul être humain ne peut être parfait pour être avec Dieu, nulle personne ne peut se sauver par ses mérites, nul humain ne peut s’élever à la hauteur de Dieu. Dieu étant juste, il deviendrait injuste s’il laissait tomber les offenses – notamment à son égard – sans contrepartie. Mais Dieu étant aussi amour et miséricorde, puisque qu’aucun humain ne peut s’élever à la hauteur de Dieu, c’est l’Éternel Dieu avec Jésus le Christ qui s’abaisse à nous pour notre Salut.  C’est parce que le Christ s’est abaissé que nous pouvons être relevés. C’est par la foi en Jésus le Christ mort et ressuscité que nous sommes les siens et que se trouve la Rédemption par la substitution de son sacrifice expiatoire. Paul par ailleurs résume bien ce point en Romains 3.22-26 :

« (22) Dieu déclare les hommes justes par leur foi en Jésus-Christ, et cela s’applique à tous ceux qui croient, car il n’y a pas de différence entre les hommes. (23) Tous ont péché, en effet, et sont privés de la gloire de Dieu, (24) et ils sont déclarés justes par sa grâce ; c’est un don que Dieu leur fait par le moyen de la délivrance apportée par Jésus-Christ. C’est lui que Dieu a offert comme une victime destinée à expier les péchés, pour ceux qui croient en son sacrifice. Dieu montre ainsi qu’il est juste parce qu’il avait laissé impunis les péchés commis autrefois, (26) au temps de sa patience. Il montre aussi qu’il est juste dans le temps présent : il est juste tout en déclarant juste celui qui croit en Jésus. »

(Romains 3.22-26)

 

Et plus loin en Romains 10.9-10 :

« (9) En effet, si de ta bouche, tu déclares que Jésus est Seigneur et si dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité, tu seras sauvé, (10) car celui qui croit dans son cœur, Dieu le déclare juste ; celui qui affirme de sa bouche, Dieu le sauve. »

(Romains 10.9-10)

 

Ou comme l’exprime le théologien Georges E. Ladd :

« […] l’enseignement de Jésus sur la nature et la personne de Dieu inclut l’idée que Dieu est à la fois amour et justice vengeresse. En d’autres termes, Dieu est amour saint. Puisqu’il est amour, il pardonne les péchés des hommes ; et puisqu’il est amour saint, il pourvoit à ce pardon par l’intermédiaire de la mort sacrificielle et expiatoire du Christ. […] Dans l’Ancien Testament, la coupe est une expression métaphorique pour désigner le châtiment de Dieu et la rétribution des péchés. Parce que Jésus s’est identifié aux pécheurs [sans jamais avoir lui-même péché], c’est sur lui que retombe la sainte colère de Dieu contre le péché et c’est à Gethsémané que l’horreur de cette colère se révèle dans toute son ampleur, à mesure que l’heure de la passion approche. »[92]

 

On est pour ainsi dire « sauvé de la colère de Dieu [qui doit appliquer la justice], par Dieu [en Jésus le Christ] et pour la gloire de Dieu »[93]. Là sont des éléments au cœur de la Nouvelle Alliance, de l’entrée dans la nouvelle ère dont l’accomplissement advient avec le Christ[94]. Là sont des éléments au cœur du verset 12 qui suit l’allusion à la pierre angulaire qui avait été rejetée par les bâtisseurs : « C’est en lui seul [Jésus le Christ] que se trouve le salut. Dans le monde entier, Dieu n’a jamais donné le nom d’aucun autre homme par lequel nous devions être sauvés » (Actes 4.10). Se trouve aussi en quelque sorte inversé le processus de « sanctification » : ce n’est pas pour trouver le salut qu’il s’agit de se sanctifier en suivant les commandements, c’est parce que nous avons le salut en Jésus-Christ que par « reconnaissance » il y a processus pour nous sanctifier.

 

Enfin, dans le long discours d’Étienne que Luc rapporte en Actes 7.1-53, on trouve en condensé des éléments clés de l’Ancien Testament qui non seulement marquent un cheminement jusqu’au Christ, mais surtout montre que le peuple a constamment failli – et ce, y compris avec le Christ qui est la « pierre angulaire » ayant d’abord été rejeté par les « bâtisseurs ». Puis, suivant les parcours parallèles de Pierre et de Paul, Luc fait ressortir la propagation de la Bonne Nouvelle devant aller « jusqu’au bout de la terre », pour s’ouvrir à tous les peuples, toutes les nations, et qui était déjà soulignée dans l’organisation du récit de son Évangile.

 

CONCLUSION

Ainsi, la reprise du Psaume 118.22 en Acte 4.11 concourt à la triple emphase que l’on retrouve chez Luc tant dans son Évangile que dans les Actes des apôtres : que les souffrances doivent précéder la Gloire du Christ, la résurrection corporelle de Jésus le Christ et la mission universelle de l’annonce du Salut à toutes les nations, à tous les peuples de la terre.

 


 

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*La Septante, traduction Grec-Français, consultée en ligne :

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*« Introduction à l’Évangile selon Luc », dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, pages 1635 à 1637.

 

*« Introduction au livre des Actes des apôtres », dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, pages 1765 à 1767.

 

*« Introduction au livre des Psaumes », dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, pages 807 à 813.

 

*« Introduction aux évangiles synoptiques », dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, pages 1519 à 1522.

 

*« Les apparitions du Ressuscité », dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, page 1761.

 

*« Les écoles philosophiques juives à l’époque de Jésus », dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, page 1707.

 

*Syllabus et notes prises dans le cours Interprétation de l’Ancien Testament dans le Nouveau

Testament, Faculté de Théologie Évangélique affiliée à l’Université Acadia, avec le Dr. Dominique Angers, automne 2018.

 

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ROBERTSON, O. Palmer, Le Christ des alliances (version préliminaire, à paraitre), adaptation française par Amar Djaballah du livre de The Christ of the Convenant, Grand Rapids, Baker Book House, 1980.

 


NOTES :

[1] Roger Nicole, « L’Ancien Testament dans le Nouveau », dans Fac-Réflexion no. 5, juillet 1987, page 21.

[2] G.K. Beale, Handbook on the New Testament Use of the Old Testament. Exegesis and Interpretation, Grands Rapids, Baker Academic, 2012, 173 pages.

[3] Actes des Apôtres, traduction « du Semeur » de la Bible, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), révision 2015.  Pour les citations du Nouveau Testament, sauf mention explicite (notamment lors de la comparaison avec le texte massorétique/hébreu et avec celui de la septante), nous utilisons la traduction française « du Semeur » ; et pour les citations de l’Ancien Testament, sauf mention explicite, nous utilisons la traduction française « à la Colombe ».

[4] Rappelons que le terme « Évangile », titrant autant les évangiles canoniques de Matthieu, Marc, Luc et Jean, vient du grec ancien euaggélion qui signifie « Bonne Nouvelle ».

[5] Paul, en Colossien 4.14, le mentionne : « Notre cher ami Luc, le médecin, et Démas vous saluent. »

[6] Les termes de « Messie », « Christ » et « Oint » sont littéralement équivalents : le terme de « Messie » est une traduction française du terme hébreu Mashia’h (langue de l’Ancien Testament), terme lui-même traduit littéralement en grec – langue du Nouveau Testament – par Christòs (que la tradition a traduit du grec au français par « Christ », lorsque ce n’était pas le terme hébreu Mashia’h qui apparaissait dans le texte), et qui tous les deux (Mashia’h et Christòs) ont pour traduction littérale en français « Oint ». Pour simplifier, disons que ces trois termes (Messie, Christ, Oint) sont liés à l’histoire des traductions, mais qu’ils ont littéralement un même sens.

[7] « Introduction à l’Évangile selon Luc », dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, page 1635.

[8] Ibid.

[9] Mentionnons au passage que l’archéologue, historien et théologien « libéral » William Mitchell Ramsay a entrepris des recherches historiques et archéologiques avec, au départ, l’objectif avoué de décrédibiliser Luc ; et qu’après ses recherches, il a conclu que contrairement à ce qu’il pensait démontrer au départ, Luc était un modèle exemplaire d’historien, des plus rigoureux, et sans doute le meilleur de son temps. Cf. William Mitchell Ramsay, St Paul the Traveller and the Roman Citizen, première édition en 1895, pages 12 et 13 de l’édition disponible en ligne (consulté le 3 décembre 2018) :

http://www.ntslibrary.com/PDF%20Books/WM%20Ramsay%20Paul%20the%20Traveler%20&%20Roman%20Citizen.pdf

[10] « Introduction à l’Évangile selon Luc », dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, page 1637.

[11] À la croix, Luc relate que « Tous les amis de Jésus, ainsi que les femmes qui l’avaient suivi depuis la Galilée, se tenaient à distance pour voir ce qui se passait » (Luc 23.49) ; et Luc relate que c’est justement en Galilée qu’a commencé le ministère de Jésus (Luc 23.5), tout en ayant déjà nommé les femmes qui accompagnaient Jésus dès le début (Luc 8.1-3). Il en découle donc, suivant l’Évangile de Luc, que des femmes ont fait parties des disciples de Jésus du début de son ministère jusqu’à sa mort et sa résurrection.

[12] Si on considère que les Évangiles de Matthieu et de Jean sont tous les deux écrits par des apôtres de Jésus Christ et que l’Évangile de Marc rapporte des propos de l’apôtre Pierre, alors l’Évangile de Luc est le seul Évangile reconnu canonique n’ayant pas été rédigé par le biais d’un contact direct avec Jésus. Cependant, collaborateur de Paul, Luc base son Évangile sur l’enquête qu’il a mené auprès de témoins oculaires, en plus de documents. Au nombre des témoignages qu’il a recueillis, il semble qu’un certain nombre venaient de femmes, et ce malgré la culture de l’époque qui accordait bien moins de crédibilité aux témoignages des femmes qu’aux hommes (ce que dans la culture de l’époque il aurait probablement évité, s’il avait simplement cherché qu’à « convaincre » plutôt qu’à « connaitre » la vérité). Du moins, que Luc ait pris en compte le témoignage de femmes explique les passages que rapporte son Évangile avec dix femmes qui ne figurent pas dans les autres évangiles – et d’ailleurs, il semble plausible que certains événements ne peuvent avoir été rapportés que par le témoignage de femmes, comme pour les interactions entre Marie et Élisabeth lors de leurs grossesses respectives (Luc 1.39-56). En ce sens, on peut sans doute considérer que si Luc a été inspiré de recourir aux témoignages de femmes malgré la culture de l’époque qui dévalorisait cela, alors il était dans la volonté de Dieu que l’un des quatre Évangiles canoniques fasse état du témoignage/point de vue des femmes – à tout le moins, en reflétant se faisant l’agir de Jésus à cet égard.

[13] « Introduction à l’Évangile selon Luc », dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, page 1637.

[14] En tant que Jésus le Christ, et non pas simplement en tant que Jésus « de Nazareth ».

[15] Le terme des Onze (ou des Douze), avec une majuscule, est employé par Luc pour désigner le groupe des apôtres d’origine, c’est-à-dire les représentants choisis par Jésus et l’ayant suivi tout au cours de son ministère.  Dans le contexte, le terme des Onze, désignant le groupe, ne représente cependant pas le nombre des apôtres présents.  Il semble que lors de cette résurrection, en plus des autres disciples, les apôtres devaient être au nombre de dix, puisqu’à ce moment-là Judas est mort et son successeur Matthias n’a pas encore été nommé (Actes 1.15-26) ; et par ailleurs, l’Évangile de Jean indique que Thomas n’était pas présent lors de cette résurrection et que c’est huit jours plus tard, lors d’une autre résurrection, que celui-ci en est devenu témoin oculaire (Jean 20.24).  Voir notamment « Les apparitions du Ressuscité », dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, page 1761.

[16] Selon une note de la Bible d’étude, version Semeur 2015 (2018), ce verset entre crochets « est absent de plusieurs manuscrits » de l’Évangile de Luc. Cependant, le fait historique de la possibilité de libération d’un prisonnier est rapporté (aussi) dans les évangiles de Matthieu 27.15 et de Marc 15.6.

[17] « Pâque » sans « s » si on prend le terme au sens de la dernière Pâque juive ; « Pâques » avec un « s » si on prend le terme au sens de ce qui est maintenant devenu la commémoration annuelle de la résurrection du Christ.

[18] Luc 8.3.

[19] « Et il [Jésus] ajouta : Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup et soit rejeté par les responsables du peuple, les chefs des prêtres et les spécialistes de la Loi ; il doit être mis à mort et ressusciter le troisième jour. » (Luc 9.22).

[20] Rappelons que Luc, s’il s’attache à la véracité de ce qu’il rapporte, ne le fait cependant pas sous la forme d’une simple énumération chronologique.  Par exemple, en Luc 24.34 on verra que Jésus est apparu à Pierre le même dimanche matin après qu’il se soit rendu au tombeau vide en Luc 24.12.

[21] À cet égard, notons simplement que plutôt que de se demander « ce que ferait Jésus à notre place », on peut aussi et tout autant se demander « comment Jésus lirait l’Ancien Testament à notre place ». Du moins, ce genre de question est loin d’être dépourvue d’intérêt lorsqu’il s’agit d’examiner l’interprétation de l’Ancien Testament dans le Nouveau Testament – et l’unité des Écritures qui s’y trouve, sans que la diversité ne soit écrasée non plus.

[22] Notons au passage que le « ne devait-il pas » en grec est un terme qui désigne, semble-t-il, le Plan de Dieu.

[23] Je m’appuie ici sur les indications présentées dans le cours Interprétation de l’Ancien Testament dans le Nouveau Testament (automne 2018, Faculté de Théologie Évangélique affiliée à l’Université Acadia, avec le Dr. Dominique Angers).

[24] Notons que malgré l’ambiguïté rédactionnelle de la fin de l’Évangile de Luc, où l’élévation est mentionnée que brièvement après l’apparition de Jésus aux apôtres le dimanche de la Pâque, il semble à lire le début des Actes que cette ascension/élévation de Jésus au mont des Oliviers n’a pas eu lieu le même jour (au dimanche de la Pâque), mais plutôt quarante jours plus tard.

[25] Il n’y a pas unanimité sur cette datation vers 62-64, mais c’est celle qui nous semble la plus plausible.  Trois propositions de datation existent (ou ont déjà existées) pour le livre des Actes des Apôtres.  La proposition qui a déjà eu cours d’une datation vers 115-130 repose cependant sur « une telle interprétation [partant d’une opposition entre un judéo-christianisme et un pagano-christianisme que les Actes résoudraient] qui n’a plus guère de partisans [parmi les spécialistes] de nos jours ».  Quant à la proposition de datation vers 80-95, elle est principalement adoptée par les partisans de la « théorie des deux sources », reposant sur l’hypothèse/spéculation d’une « Source Q » pour laquelle nous n’avons cependant pas de preuves. Mais bien que n’étant pas impossible, non seulement cette « théorie des deux sources » soulève d’importantes objections, mais en plus dans ce cas précis 80-95 soulève des problèmes de concordance historique, notamment par le fait que les Actes semblent avoir été rédigés avant les persécutions de Néron en 64-65 et que ce livre n’évoque pas non plus la destruction de Jérusalem en 70, ni la mort de Paul et de Pierre qui arrivent avant les années 70.  La proposition de datation vers 62-64 a, elle, le mérite d’être la plus simple tout en étant cohérente historiquement, en plus de concorder avec les témoignages des Pères de l’Église ; aussi, cette datation vers 62-64 s’appuie de plus « sur le fait que le livre des Actes se termine sur l’assignation à résidence de Paul à Rome pendant deux ans en 60-62 ».  Cf. « Introduction au livre des Actes des apôtres », dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, page 1766 ; ainsi que, de manière plus générale pour les perspectives de datations entre les évangiles et les Actes : « Introduction aux évangiles synoptiques », dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, pages 1519 à1522.

[26] Actes des Apôtres, traduction « du Semeur » de la Bible, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), révision 2015.

[27] Mention à la fin du verset 17 en Acte 12.17, sans que Luc ne mentionne le lieu géographique de cet « ailleurs » vers où « il repartit et se rendit ».

[28] La conversion sur le chemin de Damas de Saul – citoyen romain de naissance issu d’une famille juive et pharisien jusqu’alors fort zélé pour le judaïsme, formé à l’étude de la Torah par Gamaliel, et persécuteur des chrétiens –, qui « porte » son deuxième prénom Paul après sa conversion, est relatée par Luc en Acte 9.1-18, en Actes 22.6-21et en Actes 26.4-18.

[29] On ne manquera pas de remarquer que dans les divers récits/épisodes où est relaté la présence du Christ ressuscité, celui-ci est présenté dans une résurrection pleinement physique (en chair et en os, pouvant être touché, portant les marques de sa crucifixion, mangeant, etc.), et non pas comme d’une résurrection simplement de l’âme ou de l’esprit, en même temps qu’il y a du surnaturel (il « arrive » et « repart » sans avoir à franchir les portes d’une maison, par exemple, même si pendant qu’il est là il y est pleinement physiquement). Ce qui, nous y reviendrons plus loin dans l’interprétation, bouscule à peu près toutes les croyances de l’époque.

[30] En complément, notons que la Bible d’étude du Semeur indique en note, à propos de la section d’Actes 2.1-47, que : « Conformément à la promesse de Jésus (1.8), l’Esprit descend sur le groupe rassemblé, soit l’ensemble des disciples, soit les douze apôtres : le don de l’Esprit répond au don de la Loi que l’on célébrait à la Pentecôte. Cet événement est l’accomplissement d’un souhait que Moïse avait déjà exprimé (Nb 11.29) : le peuple de Dieu, enfin, n’est plus seulement un peuple dont les marques d’appartenance à l’Éternel sont extérieures ; conformément à ce qu’annonçait l’A.T., l’Esprit fait des croyants le peuple dont Dieu est la vie (v. 16-21). Mais cette œuvre de l’Esprit opère un tri en Israël : seuls ceux qui croient que Jésus est le Messie et le Seigneur (v. 33-36) que Dieu a ressuscité (v. 25-32) ont part à l’Esprit (v. 38-40). Ce tri en Israël, cependant, laisse entrevoir l’ouverture aux hommes du monde entier. »  Cf. Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, page 1772.

[31] On peut voir dans cette guérison miraculeuse de l’infirme qui « d’un saut » fut debout et qui après « sautait de joie » (Actes 3.8), une allusion à Ésaïe 35.5-6 : « Alors les yeux des aveugles seront dessillés, les oreilles des sourds s’ouvriront ; alors le boiteux sautera comme un cerf, et la langue du muet poussera des cris de joie. Car de l’eau jaillira dans le désert, des torrents dans la plaine aride. »

[32] Jésus-Christ, dont on peut probablement comprendre qu’il est la Parole, si on se rapporte cette fois à Jean : « Au commencement était celui qui est la Parole de Dieu. Il était avec Dieu, il était lui-même Dieu. » (Jean 1.1).

[33] Pierre fait référence à Deutéronome 18.19 de la manière suivante : « Le Seigneur votre Dieu suscitera pour vous, du milieu de vos compatriotes, un prophète qui sera comme moi : vous écouterez tout ce qu’il vous dira. Celui qui refusera d’obéir à ce prophète sera exclu de mon peuple par la mort. » (Actes 3.22-23) ; la « mort » semblant ici apparaître en contraste avec la « vie éternelle ».

[34] « Les spécialistes de la Loi » : c’est-à-dire les spécialistes de la portion de la Bible hébraïque comprenant les livres de Genèse, Exode, Lévitique, Nombre et Deutéronome, selon la classification de l’Ancien Testament dans la Bible hébraïque en trois groupes : La Loi, Les Prophètes et Les Écrits.

[35] Par exemple, jusqu’à ce que le Ressuscité leur apparaisse, même les apôtres ne semblaient pas avoir compris ni anticipé la résurrection à venir de Jésus – non pas « à la fin des temps », mais en ce temps nouveau après la croix – malgré les évocations répétées de Jésus de ce qui devait se produire au 3e jours ; comme le laisse par exemple entendre le fait que, mis à part Pierre, aucun d’eux ne semble prendre au sérieux le témoignage des femmes le dimanche de la Pâque.  Ou encore, lorsqu’on considère que lors du dernier repas du Christ, dans son Évangile Luc mentionne que les disciples/apôtres « eurent une vive discussion : il s’agissait de savoir lequel d’entre eux devait être considéré le plus grand » (Luc 22.24)… alors qu’ils sont à table avec le Christ (!) – et qui plus est, à la dernière cène.

[36] Selon Roger Nicole, « Dans le Nouveau Testament, il n’y a pas moins de 295 citations expresses de l’Ancien Testament qui occupent environ 352 versets du Nouveau et se rapportent à 278 versets de l’Ancien (certains d’entre eux à plusieurs reprises) : 94 tirés de la Torah, 99 des prophètes et 85 des Écrits, suivant la division classique du canon hébraïque. Si l’on inclut les allusions en plus des citations expresses, ces chiffres augmentent sensiblement : Toy énumère 613 exemples, Shire 1604, Dittmar 1640 et Huhn atteint le nombre extraordinaire de 4105, ce qui représente plus d’une réminiscence tous les deux versets ! ». Cf. Roger Nicole, « L’Ancien Testament dans le Nouveau », dans Fac-Réflexion no. 5, juillet 1987, page 21.

[37] Retenons bien que le verset 18, lui, que Jésus accole à Psaume 118.22, est pour sa part une double référence à Ésaïe 8.14-15 et à Daniel 2.34-35. Nous y reviendrons plus loin, dans l’interprétation de la fonction du Psaume 118.22 en Actes 4.11 en tant qu’accomplissement typologique.

[38] Énoncé prophétiquement à ce moment-là, semble-t-il, puisque si c’est en phase avec les discordances du moment dans les réactions face à Jésus, il y a aussi anticipation des événements à venir.

[39] Luc 19.45-46 : « Jésus entra dans la cour du Temple et se mit à en chasser les marchands. Il leur dit : Il est écrit : Ma maison sera une maison de prière mais vous, vous en avez fait une caverne de brigands. » (Luc 19.45-46 ; les deux citations, en italiques, faites par Jésus dans ce passage proviennent respectivement d’Ésaïe 56.7 et de Jérémie 7.11).

[40] « Les spécialistes de la Loi » : c’est-à-dire les spécialistes de la portion de la Bible hébraïque comprenant les livres de Genèse, Exode, Lévitique, Nombre et Deutéronome, selon la classification de l’Ancien Testament dans la Bible hébraïque en trois groupes : La Loi, Les Prophètes et Les Écrits.

[41] Cent-cinquante psaumes selon la division canonique (reconnue tant chez les Juifs que les Chrétiens). Notons au passage, bien que cela n’ait pas d’impact significatif pour notre analyse, que le découpage des psaumes dans la traduction/version de la septante est cependant parfois différent, en cent-cinquante-et-une numérotation, et que les manuscrits de la mer Morte, eux, en comptent cent-cinquante-cinq.

[42] Par exemple, sous forme de cantique, de louange, de supplication, de reconnaissance, d’instruction, de confession et de méditation.

[43] « Introduction au livre des Psaumes », dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, page 807.

[44] Notons au passage que ce n’est qu’un usage de la modernité de lire de la poésie « dans notre tête » ; traditionnellement, la poésie était faite pour être déclamée, ou encore chantée. Les Psaumes en sont une très haute expression, la plus élevée, puisqu’ils sont des chants inspirés s’inscrivant dans une relation (sous divers modes) avec l’Éternel Dieu, celui qui est. Notons aussi au passage – mais simplement ici en clin d’œil au monde séculier, sans bien sûr que cela ne démontre quoi que ce soit ; et évidemment en n’étant aucunement une référence académique ni biblique – que Bono, le chanteur du groupe de musique U2, mentionnait lors d’un échange avec Eugene Peterson que le livre des Psaumes a été une grande inspiration au cours de leur carrière – la chanson « 40 » étant par exemple simplement une mise en musique du début du Psaume 40 (voir le court-métrage The Psalms produit par Fuller studio : https://www.youtube.com/watch?v=-l40S5e90KY ).

[45] « Parmi les auteurs de psaumes, ont déjà été mentionnés David (73 psaumes), Moïse (1 psaume), Asaph et ses descendants (12 psaumes), les Qoréites (13 psaumes), parmi lesquels Hémân (Ps 88) et Etân (89), auxquels il faut ajouter Salomon (Ps 72 ; 127). » Cf. « Introduction au livre des Psaumes », dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, page 808.

[46] Notons, à propos des interprétations à cet égard, qu’en ce qui concerne les mentions d’auteur en titre, lorsqu’elles apparaissent, « On a pu hésiter sur le sens de ce premier type d’information parce que la particule hébraïque qui précède le nom de l’auteur peut prendre plusieurs sens. Outre l’auteur d’un texte, elle peut servir à indiquer son destinataire, ou encore la personne dont il est question dans le texte. Normalement, le contexte précise le sens de cette particule. Mais ceci fait défaut dans les titres des psaumes. Une fois cependant, une précision ajoutée montre bien que la formule a pour fonction d’indiquer l’auteur : en Psaume 18.1, l’indication mentionnant David est suivie d’une note précisant dans quelles circonstances il a adressé ces paroles à l’Éternel. En outre, la même formule apparaît en tête de la prière d’Habaquq (Ha 3) ; or l’insertion de cette prière dans le livre de ce prophète oblige à comprendre l’indication comme attribuant la prière à Habaquq. Il est donc hautement probable que les formules semblables, placées en tête des autres psaumes où elles figurent, ont la même portée. » Cf. « Introduction au livre des Psaumes », dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, page 808.

[47] G.W. Grogan, « Psaumes », dans le Dictionnaire de théologie biblique, Charols, Éditions Excelsis, 2012 (2006), page 229.

[48] Les psaumes 113 et 114 étaient chantés avant le repas, et les psaumes 115 à 118 étaient chantés après le repas. Cf. la note 113.1 de la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, page 919.

[49] Exode 40.1-3 : « L’Éternel parla à Moïse et dit : Le premier jour du premier mois, tu dresseras le tabernacle, la tente de la Rencontre. Tu y placeras l’arche du Témoignage [de l’alliance] et tu couvriras l’arche avec le voile. »

[50] R.J. McKelvey, « Temple », dans le Dictionnaire de théologie biblique, Charols, Éditions Excelsis, 2012 (2006), page 957.

[51] R.J. McKelvey, « Temple », dans le Dictionnaire de théologie biblique, Charols, Éditions Excelsis, 2012 (2006), page 956.

[52] R.J. McKelvey, « Temple », dans le Dictionnaire de théologie biblique, Charols, Éditions Excelsis, 2012 (2006), page 957.

[53] R.J. McKelvey, « Temple », dans le Dictionnaire de théologie biblique, Charols, Éditions Excelsis, 2012 (2006), page 957.

[54] Détruit en l’an 70 par les Romains.

[55] Cette ligne poétique en hébreu est parfois traduite comme ici sous la forme « du matin au soir » et elle est parfois traduite sous la forme « de l’Orient jusqu’à l’Occident ». Jouant probablement avec le sens des mots en hébreu, selon la note 113.3 de la Bible d’étude, version Semeur 2015, « Le sens peut être spatial (sur toute la terre ; cp. 50.1) ou temporel (durant toute la journée). » Cf. Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, page 919.

[56] Les versets 4 à 8 développent cet aspect, soulignant que les idoles ni ne voient malgré leurs yeux, ni ne peuvent entendre malgré leurs oreilles, ni ne peuvent parler malgré leur bouche, ni ne peuvent sentir malgré leurs narines, etc, et culminent avec la déclaration que « leur ressemblent ceux qui les fabriquent, tous ceux qui se confient en elles » (verset 8).

[57] Cf. note 115.10 dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, page 920.

[58] Cf. note 100.5 dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, page 904.

[59] À ce sujet, voir par exemple O. Palmer Robertson : « la greffe de ceux qui ne sont pas israélites par naissance naturelle était possible (Gn 17.12, 13). Par incorporation de prosélytes, des personnes de n’importe quelle nation pouvaient devenir israélites au sens plein. Toute explication de la signification biblique d’« Israël » se doit de ne pas ignorer cette dimension. « Israël » ne peut pas être restreint dans son essence à une communauté ethnique. Israël doit inclure le prosélyte qui n’appartient pas à l’« Israël » selon la chair, mais qui est absorbé dans Israël par un processus de greffe. Le Nouveau Testament se montre conscient de ce principe quand il parle de la « greffe » des païens (Rm 11.17,19). Les gens de toutes les nations peuvent constituer, par la foi, une partie vitale de la branche du peuple de Dieu. » Cf. l’adaptation française par Amar Djaballah, sous le titre Le Christ des alliances (version préliminaire, à paraitre), du livre de O. Palmer Robertson The Christ of the Convenant, Grand Rapids, Baker Book House, 1980, p. 36 de l’adaptation française (d’autres considérations explicites à ce sujet se trouvent aussi aux pages 120-121).

[60] G.W. Grogan, « Psaumes », dans le Dictionnaire de théologie biblique, Charols, Éditions Excelsis, 2012 (2006), page 229.  D’ailleurs, on peut relever en Mattieu 26.30 la mention que lors du dernier repas de Jésus avec la Sainte Cène, où est partagé le pain et le vin, « Après cela, ils chantèrent les psaumes de la Pâque. Ensuite, ils sortirent pour se rendre au mont des Oliviers. » (Matthieu 26.30).

 

[61] Cf. note 118.22 dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, page 922.

[62] A priori, nous aurions pu être porté à penser que l’extrait avait été puisé dans la Septante, la traduction en grec ancien de l’époque, plutôt que dans le texte hébreu Massorétique, puisque Luc est de culture grec (donnée externe au texte lui-même), mais dans cet extrait bien précis la composition des textes (données internes) vont plutôt dans l’autre sens, ou à tout le moins ne permettent pas de trancher hors de tout doute pour ce verset bien précis.

[63] La lecture allégorisante établie par l’interprète (sans être explicite dans le texte lui-même, ou sans s’appuyer sur des règles d’interprétation de la Bible elle-même) coure trop souvent le risque de tomber dans l’arbitraire subjectif – ou de détourner l’attention de l’écoute de ce qui est dit par l’Écriture. Cf. Graeme Goldsworthy, Le royaume révélé de l’Ancien Testament à l’Évangile, Charols, Éditions Excelsis, 2005, pages 9 à 11 (pour un exemple) et pages 15 à 22 (notamment sur les fausses pistes de la méthode médiévale d’interprétation allégorisante).

[64] L’ensemble de la synthèse sur la typologie contenue dans ce paragraphe s’appuie sur les notes prises dans le cours Interprétation de l’Ancien Testament dans le Nouveau Testament (automne 2018, Faculté de Théologie Évangélique affiliée à l’Université Acadia, avec le Dr. Dominique Angers). Comme les notes ont été prise en suivant le cours à distance avec la plateforme web de la Faculté, et comme la fonction « pause » a parfois été utilisée pour faciliter la prise de notes, il est possible (même probable) que certaines formulations de ce paragraphe soient assez près de certaines formulations orales dans le cours.

[65] Graeme Goldsworthy, « Le rapport entre l’Ancien et le Nouveau Testament », dans le Dictionnaire de théologie biblique, Charols, Éditions Excelsis, 2012 (2006), page 96.

[66] Par exemple la sortie d’Égypte du peuple israélite, où par typologie Jésus représente la sortie de l’esclavage du péché – c’est-à-dire la rédemption (le terme de rédemption appartenant au langage de l’esclavage). Ou encore, et ce d’autant que dans l’Ancien Testament le titre de jésus « Fils de Dieu » était appliqué à l’ensemble du peuple d’Israël, on peut penser aux 40 ans dans le désert du peuple d’Israël qui constitue un « type » dont on retrouve « l’antitype » (« revécu » cette fois de manière victorieuse) avec les 40 jours de Jésus dans le désert, tel que relaté en particulier en Matthieu 4.1-11 et en Luc 4.1-13.

[67] Par exemple Moïse ou encore le Roi David, où par typologie Jésus représente le prophète ultime.

[68] Par exemple les sacrifices, où par typologie Jésus représente le Sacrifice ultime – l’Agneau de Dieu.

[69] Graeme Goldsworthy, Christ au cœur de la prédication, Charols, Éditions Excelsis, 2005, page 109.

[70] Don Carson, Le Dieu qui se dévoile, volume 1, lecture du 4 mai 2018, consultation en ligne (le 3 décembre 2018), d’où est extrait la citation, à cette adresse : https://evangile21.thegospelcoalition.org/dieu-qui-se-devoil/nombres-11-psaumes-48-sae-1-hbreux-9/

[71] « For Jesus and his followers, what the OT said, God said; and what God said, the OT said. », selon les mots de G.K. Beale, Handbook on the New Testament Use of the Old Testament. Exegesis and Interpretation, Grands Rapids, Baker Academic, 2012, page 96.

[72] Cf. G.K. Beale, Handbook on the New Testament Use of the Old Testament. Exegesis and Interpretation, Grands Rapids, Baker Academic, 2012, pages 95 et 96.

[73] Samuel Amsler, L’Ancien Testament dans l’Église, Neuchatel, Éditions Delachaux & Niestlé, 1960, page 38.

[74] Syllabus du cours Interprétation de l’Ancien Testament dans le Nouveau Testament, Faculté de Théologie Évangélique affiliée à l’Université Acadia, avec le Dr. Dominique Angers, automne 2018, pages 6 et 7.

[75] Nous procédons en ordre décroissant d’importance des fonctions, puisque les fonctions moins importantes peuvent être recouvertes par des fonctions plus importantes.

[76] En Luc 24.45-47, lorsque y est relaté l’apparition de Jésus aux apôtres/disciples (après l’épisode des deux disciples sur le chemin d’Emmaüs), il est noté que : « Là-dessus, il [Jésus] leur ouvrit l’intelligence pour qu’ils comprennent les Écritures. – Vous voyez, leur dit-il [Jésus qui leur dit], les Écritures enseignent que le Messie doit souffrir, qu’il ressuscitera le troisième jour, et qu’on annoncera de sa part à tous les peuples, en commençant par Jérusalem, qu’ils doivent changer pour obtenir le pardon des péchés. » (Luc 24.45-47 ; c’est nous qui soulignons en caractères gras).

[77] En Actes 1.8, Luc écrit que lors d’une apparition à ses apôtres/disciples, Jésus leur dit : « Mais le Saint-Esprit descendra sur vous : vous recevrez sa puissance et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’au bout du monde. » (Actes 1.8 ; c’est nous qui soulignons en caractères gras).

[78] Actes 28.28 : « Et Paul ajouta : Sachez-le donc : désormais ce salut qui vient de Dieu est maintenant apporté aux non-Juifs ; eux, ils écouteront ce message. »

[79] R.J. McKelvey, « Temple », dans le Dictionnaire de théologie biblique, Charols, Éditions Excelsis, 2012 (2006), pages 957 et 958.

[80] Paul, par exemple, note dans sa lettre aux Hébreux (9.11-15) : « Or, Christ est venu en tant que grand-prêtre pour nous procurer les biens qu’il nous a désormais acquis. Il a traversé un tabernacle plus grand et plus parfait que le sanctuaire terrestre, un tabernacle qui n’a pas été fabriqué par des mains humaines, c’est-à-dire qui n’appartient pas à ce monde créé. Il a pénétré une fois pour toutes dans le sanctuaire ; il y a offert, non le sang de boucs ou de veaux, mais son propre sang. Il nous a ainsi acquis un salut éternel. En effet, le sang des boucs et des taureaux et les cendres d’une vache que l’on répand sur des personnes rituellement impures leur rendent la pureté extérieure. Mais Christ s’est offert lui-même à Dieu, sous la conduite de l’Esprit éternel, comme une victime sans défaut. À combien plus forte raison, par conséquent, son sang purifiera-t-il notre conscience des œuvres qui mènent à la mort afin que nous servions le Dieu vivant. Voilà pourquoi il est le médiateur d’une alliance nouvelle, afin que ceux qui sont appelés reçoivent l’héritage éternel que Dieu leur avait promis. » (Hébreux 9.11-15).

[81] Ce lien est clair dans 1Pierre 2.4-6 : « Approchez-vous de lui, car il est la pierre vivante que les hommes ont rejetée mais que Dieu a choisie et à laquelle il attache une grande valeur. Et vous aussi, comme des pierres vivantes, vous qui formez un temple spirituel, édifiez-vous pour constituer une sainte communauté de prêtres, chargés de lui offrir des sacrifices spirituels qu’il pourra accepter favorablement par Jésus-Christ. Voici, en effet, ce qu’on trouve dans l’Écriture à ce sujet : Moi, je place en Sion | une pierre angulaire choisie, d’une grande valeur. Celui qui met sa confiance en elle ne connaîtra jamais le déshonneur. » (1Pierre 2.4-6 ; la dernière citation en italique lorsque Pierre réfère à l’Écriture, provient du verset en Ésaïe 28.16).

[82] Par exemple, en plaçant plutôt sa « foi » en une Raison triomphante, en sa propre volonté, en son propre mérite, en nos propres œuvres, etc. On peut ici songer à Matthieu 6.21 : « Car là où est ton trésor, là sera aussi ton cœur. »

[83] Luc 24.47, ainsi qu’Actes 1.8 et Actes 28.23-31. Voir à cet égard les notes plus haut.

[84] Les deux disciples sur le chemin d’Emmaüs, ainsi que pour les autres apôtres/disciples lors des autres apparitions relatée dans l’Évangile de Luc, ainsi que – peut-on le présumer – lors des apparitions du Christ « pendant quarante jours » où il « leur parla du royaume de Dieu. » (Actes 1.3).

[85] Actes 4.5. Dans la liste, à la mention « Les spécialistes de la Loi » : c’est-à-dire les spécialistes de la portion de la Bible hébraïque comprenant les livres de Genèse, Exode, Lévitique, Nombre et Deutéronome, selon la classification de l’Ancien Testament dans la Bible hébraïque en trois groupes : La Loi, Les Prophètes et Les Écrits.

[86] On peut lire un résumé de la situation de l’époque sous la plume de Timothy Keller : « Si vous lisez N.T. Wright [The Resurrection of the Son of God, SPCK Publishing, 2003], vous vous rendrez compte que ni les Juifs, ni les Grecs ni les Romains ne croyaient que la résurrection physique d’une personne était possible. Les Grecs (et, plus tard, les Romains) voyaient dans les éléments physiques, dont le corps, la source de la faiblesse et du mal, et dans l’esprit la source de la force et de la bonté. Le salut consistait, par conséquent, à libérer l’âme du corps, et la résurrection physique n’était absolument pas désirable. Quel Dieu voudrait accomplir un tel acte ? Les Juifs n’avaient pas la même conception du corps : ils considéraient le monde matériel comme faisant partie de la bonne création de Dieu. Certains d’entre eux (pas tous) croyaient à une résurrection générale des justes, à la fin des temps. Cependant, personne – que ce soit parmi les Juifs, les Grecs ou les Romains – ne s’attendait à ce que Dieu ressuscite quelqu’un au beau milieu de l’histoire. Par ailleurs, les Juifs étaient les moins disposés de tous à croire qu’un être humain puisse être le Fils de Dieu et doive être adoré : toute leur vie, on leur avait enseigné qu’un être humain ne pouvait être divin, et leur perception de Dieu était caractérisée par la notion d’absolue transcendance. L’accumulation de tous ces facteurs empêchait les Juifs du premier siècle d’envisager une résurrection de Jésus, en dépit de ses prédictions. C’était trop incroyable pour eux : ils étaient incapables de croire à un tel événement ou même de le désirer. […] D’après les récits des Évangiles, [même] les disciples ne s’attendaient absolument pas à une résurrection. C’est plutôt ironique : ils étaient tous aussi incrédules que les hommes d’aujourd’hui. Ils ont eu besoin de multiples apparitions et témoignages oculaires pour être convaincus que Jésus était vraiment vivant. Cela concorde parfaitement avec ce que nous savons de leur culture, du point de vue historique. N.T. Wright expose de façon détaillée comment ces sociétés antiques ouvertes à l’idée d’un miracle, contrairement à la majorité de nos contemporains, pouvaient juger la résurrection tout aussi improbable et inimaginable que la majorité de nos contemporains. » Cf. Timothy Keller, Rencontres avec Jésus, Trois-Rivières, Éditions Cruciforme, 2015 (2013), pages 104 et 105.

[87] « Les écoles philosophiques juives à l’époque de Jésus », dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, page 1707.

[88] « Les écoles philosophiques juives à l’époque de Jésus », dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, page 1707.

[89] À cet égard, « les pharisiens ont élaboré toute une tradition d’interprétation de la Loi (613 règles : 248 commandements et 365 interdits) ». Cf. « Les écoles philosophiques juives à l’époque de Jésus », dans la Bible d’étude, version Semeur 2015, Charols, Éditions Excelsis (Biblica Inc.), 2018, page 1707.

[90] Il est possible que Judas Iscariot ait sombré dans une erreur interprétative analogue.

[91] Paul résume bien ce point lorsqu’il écrit dans 1Corinthiens 15.17-22 : « (17) Or, si Christ n’est pas ressuscité, votre foi est une illusion, et vous êtes encore sous le poids de vos péchés. (18) De plus, ceux qui sont morts unis à Christ sont à jamais perdus. (19) Si c’est seulement pour la vie présente que nous avons mis notre espérance en Christ, nous sommes les plus à plaindre des hommes. (20) Mais, en réalité, Christ est bien revenu à la vie et, comme les premiers fruits de la moisson, il annonce la résurrection des morts. (21) Car, tout comme la mort a fait son entrée dans ce monde par un homme, la résurrection vient aussi par un homme. (22) En effet, de même que tous les hommes meurent du fait de leur union avec Adam, tous seront ramenés à la vie du fait de leur union avec Christ. » (1Corinthiens 15.17-22).

[92] Georges E. Ladd, Théologie du Nouveau Testament, avec Supplément de R.T. France et David Wenham, Charols, Éditions Exelsis, 2010 (1974, 1993, 1999), page 188.

[93] Paraphrase d’une formule dont je ne retrouve malheureusement plus la source.

[94] Ce n’est pas l’espace ici pour le développer, mais notons tout de même au passage que les gens vivant à l’époque de l’Ancien Testament n’étaient pas non plus simplement des cobayes dans une visée pédagogique et qu’un salut par la Grâce leur était aussi offert.